JAPON 2005


                                            JAPON 2005
 
 


Je ne suis pas passé par le Japon au cours de ce dernier voyage mais une page sur ce pays s' impose doublement :
- le Japon est une destination finale autant que la Chine pour les voyageurs qui empruntent le transsibérien.
-le but principal de mon périple était de visiter l' exposition universelle de Shanghaï. La précédente était celle de Nagoya (名古屋) que j' ai visité en 2005.
Auparavant, j' avais découvert ce pays dans le cadre d' un tour du monde, en 1997. Les photos prises lors de ce premier voyage sont sur la page "Tour du monde 1996/1997 Page VIII : Singapour-Japon-Hong Kong-Macao". Mais la cellule de mon appareil (argentique) s' est détraqué dès le début du second et j' ai pris les vues en manuel, un peu au pif.

Itinéraire 1997 : TOKYO-KYOTO-HIROSHIMA-TOKYO-KAMAKURA (11 jours)

Itinéraire 2005 : KAMAKURA-FUJI SAN-TOKYO-NAGOYA-ISE-KOYA SAN-NARA-KYOTO-AMANOHASHIDATE-HIMEJI-HIROSHIMA-NAGASAKI-ASO SAN-KAGOSHIMA-TOKYO (quatre semaines)
                                                                                                      


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FUJI SAN (富士山)

Sur les pentes nuageuses


Dans l'attente du "Goraiko" (御来光) -  (la cérémonie shinto du lever du soleil)





                                      


                                 




Au pays du soleil levant....face au soleil levant !

    L' ombre du Fuji-San









Au sommet, l'observatoire.







Et le cratère...




Endormi ?


Un dernier regard en arrière sur les pentes de la montagne sacrée.


KOYA SAN (高野山)










HORYU JI (法隆寺)
(dans la province de NARA ((奈良県))



Le Horyu Ji est le plus ancien temple bouddhiste du Japon (747 de notre ère).













                                                 AMANOHASHIDATE (天橋立)





Cet endroit fait partie des "Nihon Sankei" (日本三景) , censés être les trois plus beaux paysages du Japon. Je n'ai pas vu Matsushima  (松島?) qui est dans la zone de Fukushima  mais à mes yeux l'île de Miyajima  (宮島) aussi appelée Itsukushima Jinja (厳島神社) (dans la rade d' Hiroshima : voir la page VIII de Tour du monde 1996/1997 ci-jointe) est le plus beau site. Quant à Amanohashidate = le pont du ciel, eh bien quand le ciel est gris et pluvieux....! Pas la peine de se déplacer, circulez, il n'y a rien à voir.
         
HIROSHIMA 2005 (広島)
(soixantième anniversaire)











Le chateau, bien évidemment entièrement reconstruit.


Dans la gare une sculpture évoque les âmes mortes des enfants d' Hiroshima.



Projet d' article proposé à "Globe-Trotter" pour le numéro spécial "Extrême Orient"
  
JAPON DES DIEUX


KAMAKURA

Le Saint-Tropez Tokyoïte est inabordable durant le week-end mais tranquillement assoupi le reste du temps.Sur la plage, les panneaux informant les baigneurs de la conduite à suivre en cas de tsunami nous font souvenir de l'origine japonaise de ce mot. Le grand bouddha de bronze, emblème de la ville, en est le témoin car cette statue de plus de onze mètres de haut était jadis abritée par un bâtiment emporté comme fétu de paille un beau jour de l'année 1495 et depuis lors le "Daibutsu" respire librement l'air du Pacifique. Dans son dos, la ligne de collines qui ceinture l'agglomération rejoint le rivage et j'escalade la pente raide pour atteindre le sentier de randonnée qui serpente le long de la crête boisée , permettant d'égrenner les visites des temples alignés sur le parcours. Bien que situé sur la hauteur, le cheminement dans la pénombre d'une végétation touffue qui amortit la rumeur d'en-bas, mais aussi efface tout point de repère, aboutit vite à me désorienter complètement. M'étant aventuré hors de l'itinéraire flêché, il me faut demander de l'aide à une commerçante agée qui quitte aussitôt sa boutique pour me remettre sur la bonne route. L'incident se répètera souvent dans ce pays de montagnes russes couvertes de forêts denses et dont le ciel uniformément gris et bas en cette saison n'apporte aucune aide pour garder le nord en observant le soleil, à Fushimi-Inari, près de Kyoto, par exemple, un incroyable labyrinthe de portiques traditionnels, les "torii", encadrant les chemins qui montent, descendent, tournent en cercles, s'achèvent en impasses, et repartent ailleurs en zig-zags, chaque fois que je découvre un plan du site je suis perplexe quant au chemin parcouru

Les Shoguns qui établirent leur capitale à Kamakura de 1192 à 1333 favorisèrent le bouddhisme zen, une religion qui convient surtout aux guerriers. Car en dépit de l'image répandue de nos jours qui associe quasi intrinsèquement cette croyance au pacifisme, grâce en partie à l'action résolue et aux convictions du Dalaï-Lama, il faut savoir que son implantation au Japon fut longtemps accompagnée de conflits violents. Certaines sectes entretenaient de véritables armées de moines combattants qui s'opposaient entre elles en de sanglantes batailles rangées. Leur puissance économique représentait une menace pour les Shoguns tentant de réunifier le pays au 16° siècle qui s'employèrent donc à briser leur résistance. Mais l'esprit combatif de ces religieux survit à notre époque en tant que source inspiratrice des arts martiaux, basée sur l'intime certitude que l'âme peut imposer sa volonté à la matière et façonner le corps. Le grand théatre du monde n'est qu'illusion qu'il s'agit de dissiper au moyen d'un mental en diamant.

FUJI-SAN

Les missionaires coréens qui introduisirent la nouvelle religion trouvèrent un terrain fertile mais déja occupé par une croyance indigène, de type chamane, le Shinto. La flexibilité du bouddhisme lui permit, là comme ailleurs en Asie, d'élaborer une symbiose en phagocytant les divinités autochtones sous forme d'avatars, un peu de la même manière que le christianisme intégra dans l'histoire légendaire de ses saints beaucoup de symboles et de péripéties des païens qui les précédèrent. Mais si en Europe la nouvelle foi devait éradiquer l'ancienne, en Orient en revanche la coexistence fut sereine, mises à part quelques échauffourées dûes à des rivalités d'intérêt. L'immense majorité de la population participe des deux cultes, d'autant plus que ni l'un ni l'autre n'exige de trops grands sacrifices de la part de ses pratiquants. Ainsi, toutes les montagnes, les rochers,les sources, les rivières, tous les arbres et les vents eux-mêmes (comme le célèbre "Kamikaze") sont révérés.

La plus haute montagne du Japon culmine à 3776 mètres. C'est bien entendu une divinité majeure et son ascencion par un sujet de sa majesté impériale (également considérée comme une divinité, officiellement jusqu'en 1945) est avant tout un pélerinage, resté interdit aux femmes jusqu'en 1872. Durant la courte période favorable (juillet-août) c'est par villages entiers, associations de quartiers, confréries diverses que les bus déversent leurs cargaison d'excursionnistes munis d'un grand bâton, au point où s'achève la route goudronnée, la cinquième station, à la lisière de la forêt. De là s'achemine un flot continu, d'abord le long de larges pistes, puis de chemins caillouteux et enfin d'étroits sentiers en escaliers abrupts dont les marches sont constituées d'énormes blocs de pierre qui cassent les jambes. Plus un brin d'herbe en vue, rien que de la caillasse. Au loin, bien trop au loin, se profile la silhouette du prochain refuge où il sera possible de souffler un peu. Car pour l'heure c'est hors de question : nous progressons à la queue-leu-leu et des centaines, peut-être des milliers de personnes, hommes femmes, vieillards,enfants se bousculent dans un passage rétréci et ne toléreraient certainement pas qu'on freine leur montée. Ils s'encouragent par des hymnes cadencés que je serai bien en peine d'entonner, tant je suis hors d'haleine.Une pensée sacrilège m'assaille : installera-t-on un jour un téléphérique sur ces pentes ? La nuit est déja tombée lorsque je parviens au dernier refuge précédant le sommet pour un court repos avant l'étape finale. Il faut partir à deux heures du matin pour l'ultime escalade jusqu'au point d'où il sera possible d'assister au "Goraiko", le lever du soleil. C'est au bord de l'épuisement que je franchis le torii qui marque l'entrée de la zone sacrée. Je jette un regard au-dessous et vois les lampes des pélerins dessiner d'interminables serpents lumineux qui se perdent dans la brume tout en bas. Frigorifié, éreinté, engourdi, comprimé par la foule, je suis néanmoins heureux car exceptionnellement il n'y a pas trop de nuages, c'est une chance. Le premier rayon apparaît et je sursaute, non à cause de ce que je vois, mais à cause de ce que j'entends : dans la nuit je n'avais pas remarqué les énormes baffles au dessus de la cahute des boissons chaudes. Mais ce surgissement de la lumière au dessus de l'horizon déclenche instantanément une symphonie tonitruante, digne d'une ouverture de jeux olympiques. Il est vrai que nous sommes bien ici sur l'Olympe...japonais ! Après un tour de l'immense cratère, je contemple l'impressionant cône parfait que l'ombre du volcan projette sur la plaine occidentale. Une japonaise utilise son portable pour expliquer où elle se trouve. Je crie bien fort "omedetto!" (félicitations) afin que son interlocuteur l'entende. Quel bonheur d'être au sommet du Japon.


ISE

Tous les cruciverbistes connaîssent ce mot de trois lettres (prononcer isssé) mais bien peu de gaïjin (étrangers) prennent le temps de visiter cet endroit chargé de l'esprit originel du Shinto. Il n'y a rien à voir, d'ailleurs. Les monuments sont off-limit, à peine peut-on distinguer les toits derrière la haute palissade. Pourtant ces curieux chalets détruits tous les vingt ans et reconstruits à l'identique un peu plus loin portent en eux depuis deux mille ans le mystère de l'âme japonaise. Les matériaux sont neufs à chaque fois mais la structure est pérenne. La tradition remonte au fond des âges qui donne toute sa beauté aux demeures sacrées, faite de simplicité et de naturel. S'il y a des dieux sur terre, ils habitent plus sûrement ici que dans la pompe grandiose et artificielle du Vatican. Le parc où ils résident est une magnifique forêt aux arbres gigantesques, un décor semblable à ce que devait être le pays avant l'arrivée des hommes. Les rites du Shinto sont destinés à nous faire mesurer combien les dieux n'ont nul besoin de cette espèce chétive. C'est à nous, au contraire, de les appeller en nous excusant de les déranger dans l'espoir d'attirer leur attention condescendante sur nos humbles et futiles problèmes


AMANOHASHIDATE


Cette bande de sable rectiligne, longue de trois kilomètres et demi et plantée de pins, séparant une lagune du reste de la baie de Wakasa, est censée être le point d'arrivée au sol des kamis primordiaux qui créèrent le Japon. C'est aussi un des trois "Nihon-Sankei", autrement dit les trois sites les plus réputés pour avoir inspiré peintres et poètes.Il reste connu cependant des seuls japonais, pouvant difficilement rivaliser avec les deux autres, Miya-Jima par exemple dont le fameux torii "flottant" illustre les dépliants touristiques. Le crachin persistant n'améliore pas mon appréciation du lieu, ne réussissant même pas à dissimuler les hideuses cimenteries à l'arrière-plan. Bah, un voyage ne serait pas complet sans une petite déception !

NAGASAKI

Au fond d'une baie échancrée comme une dentelle, le port le plus proche du continent a été depuis des temps immémoriaux la porte ouverte aux influences extérieures. Bien avant les portugais et saint François-Xavier, les chinois importèrent marchandises, écriture et culture. Le style architectural des bâtiments anciens l'atteste indéniablement, même au délà des limites de la petite Chinatown locale. Lorsque le Shogun comprit avec l'exemple de la colonisation espagnole des Philippines voisines le sort qui attendait les nations trop accueillantes au christianisme, il extermina les nombreux convertis catholiques de l'archipel avec l'aide des hollandais protestants (mais commerçants avant tout) et réserva les échanges à ces derniers, confinés sur le minuscule îlot de Dejima. Après l'ouverture du pays la ville conserva un rôle majeur dans le processus d'occidentalisation accélérée qui suivit. Le parc de "Glover Garden" est constitué d'une série de luxueuses villas-musées étagées à flanc de colline, reconstitution du décor et du style de vie des européens qui vinrent former les cadres d'une nation qui se voulait résolument moderne et qui avait tout à apprendre. On le visite aux accents de l'opéra de Puccini "Madame Butterfly" (Cho-Cho San en japonais).

Peut-être est-ce par une pirouette des Kamis que la deuxième bombe atomique tomba juste sur la cathédrale dans les quartiers nord, car Nagasaki n'était pas l'objectif visé au départ. C'est la météo qui en a décidé autrement, changeant d'un coup le destin de milliers de gens d'une manière atroce. On ne saura jamais si ces modernes sacrifices humains étaient indispensables pour apaiser la fureur inconsidérement déclenchée des dieux de la guerre, mais l'émotion qui étreint le visiteur, ici comme à Hiroshima, est un sentiment transcendant toutes les croyances religieuses ou opinions philosophiques. Plus que jamais, en sortant de ces lieux tragiques, je suis à la recherche de la beauté d'un monde parfois si désespérant mais toujours attachant. Et les trois grands volcans qui grondent leur colère sur cette île de Kyu-Shu, le mont Unzen proche, le mont Aso au centre et le Sakurajima menaçant la ville de Kagoshima, tout au sud, où s'achève mon voyage,me démontrent que la beauté de la nature, elle aussi, peut présenter des visages terrifiants.

Jean-Claude PEUGEOT