RUSSIE 2008

Russie 2008

Afficher Transibérien 2008 sur une carte plus grande


 
A la suite de la dissolution de l' URSS, la superficie de la Russie s' est réduite, passant de 22 402 200 km2 à seulement...17 098 242 km2 ! Mais ce pays n' en reste pas moins le plus grand du monde par la superficie. En revanche, côté population aussi c' est la dégringolade, le taux de remplacement des générations est négatif.
Avant ce voyage je m'étais déja rendu en Russie deux ans auparavant afin d'observer en Sibérie, à Novossibirsk exactement, l'éclipse totale de soleil du 1° août. Je m'étais dit que quitte à aller aussi loin, pourquoi ne pas continuer plus à l'est et voir le lac Baïkal. A l'origine j'avais même envisagé de revenir par l' Asie Centrale chinoise, mais les manifestations consécutives à l'organisation des jeux olympiques 2008 à Pékin ont provoqués des difficultés et des lenteurs telles, dans les consulats chinois, en réaction à ces évènements, que j'ai finalement dû y renoncer et je suis retourné sur mes pas après Irkoutsk et le lac Baïkal en repassant par Novossibirsk pour gagner de là le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. J'aurais aussi voulu faire ce voyage entièrement par voie de terre en passant ensuite par le Turkménistan, la mer Caspienne, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, mais là encore ça c'est révélé trop compliqué sachant qu'il fallait compter au minimum une semaine par visa, et bien plus pour celui du Turkménistan, il aurait fallu que je m'y prenne six mois à l'avance et les premiers visas demandés auraient été périmés quand j'aurais enfin obtenu les derniers ! J'ai donc pris l'avion de Tachkent à Istamboul, d'où j'ai continué par la voie terrestre (ou maritîme)
A cette époque je n'avais pas de blog, c'est donc un carnet de route traditionnel que je recopie ci-joint :




Vendredi 11 juillet 2008, 16 heures

Départ du bus Eurolines pour Prague. Temps gris. Après un quart d'heure de retard puis près d'une heure dans les embouteillages, le décollage se fait enfin...si l'on peut dire pour un bus ! Diversité des passagers, deux jeunes femmes russes, un homme qui doit être un vagabond car les chauffeurs, qui ne parlent pas un mot de français, le larguent à la première halte. Il faut dire qu'il n'a pas pû s'empêcher de fumer une clope dans le bus. J'ai quand même un peu pitié de le voir ainsi seul en pleine nature. Au début il avait longuement discuté avec les jeunes femmes et je croyais qu'ils étaient ensemble. A la nuit tombée nous arrivons en Allemagne, par Forbach.



 Le bus s'arrête pour prendre des passagers à Sarrebrück puis nous franchissons le Rhin vers minuit et nous arrêtons à nouveau à Mannheim, Darmstadt ou vers ces coins là. La route de nuit est monotone, je m'endors et lorsque je me réveille nous sommes en république Tchèque.




 Des forêts de petits arbres en rang très serrés, une campagne vallonnée, mais pas de hautes montagnes sur le trajet, seulement des collines. Le soleil se lève devant nous à 05 heures 22. Arrivée comme prévu à 06 heures. Je suis impressionné dès le premier moment par le caractère original de cette ville, un mélange très prenant de passé glorieux, de présent bien réel et de rêves futuristes. Des tours moyen-âgeuses noires et pointues côtoient des palais baroques ondulants et roses, les rues labirynthiques égarent, les façades XIX° sont éclairées par les peintures neuves et fraîches de l'ère post-communiste. A 08 heures du matin, encore pas un chat dans les rues. Deux heures plus tard je monte la pente qui mène au château et les premiers trams déversent des flots babéliens de touristes, chinois, japonais, italiens, russes, espagnols et surtout ...français. Peu d'allemands curieusement pour cette ville autrefois si...autrichienne. J'y trouverai sans problème des apfelstrudel, gateaux à la crème, bratwurst et bien sûr de la bière, un océan de bière. Mais ici, pour moi qui suis polyglotte, on parle...étranger. Et si je reste ébahi par la facilité avec laquelle on franchit désormais ce qui représentait jadis véritablement des frontières, sans même s'en apercevoir, on est tout de même encore pour un temps à l'étranger et l'on doit changer ses euros et recalculer mentalement les prix, opération à laquelle nous n'étions plus habitués. Un euro = 23 Kz (je prends 20 pour simplifier) Les prix des restaurants sont nettement plus bas qu'en France, on peut y manger pour 10 euros en moyenne. Mais même ainsi c'est encore inabordable pour mon petit budget ! En revenant du château je retraverse le pont Charles qui était désert à l'aller et qui est maintenant envahi de vendeurs et de touristes. Après mon installation au Ritchies' hostel (lit en dortoir = 300 Kz, soit 15 euros par nuit) je me renseigne à la gare puis chez Eurolines pour aller à Cracovie. Finalement le train se révèle moins cher et de toutes façons le bus est complet. Je prends un billet pour lundi. Je passe le restant de l'après midi à errer au hasard dans les rues du centre, où je trouve les vieilles maisons qui ont servi de décor pour "Amadeus" ou encore pour le film sur Beethoven. Je regrimpe sur la colline en face où un curieux pendule géant m'attire et je découvre dans ce parc un magnifique bâtiment de style baroque XIX° qui évoque je ne sais pourquoi ma ville natale : Baden-Baden, avec une vue incomparable sur la ville de l'autre côté de la Vltava que je retraverse pour parcourir les quartiers juifs dont l'allure rappelle un Orient de bazar, correspondant ainsi forcément (comme dirait Marguerite Duras) à l'idée qu'on se fait de la cité du Golem et de Kafka.

Dimanche 13 juillet 2008

J'ai bien fait de parcourir la ville hier tant qu'il faisait encore assez beau. Aujourd'hui la pluie n'arrive pas à noyer le décor ni l'enthousiasme. Je passe la journée entière à visiter le château-musée. Mais compte tenu du prix (350 Kz, plus de 15 euros) que je me suis finalement décidé à accepter, ne sachant quand je pourrais éventuellement revenir, j'ai deux grosses déceptions : le lieu de la défénestration de Prague (1618) origine de la guerre de trente ans, est fermé pour travaux ou pour des raisons de sécurité. Et surtout la fameuse "ruelle d'or" n'est qu'un attrape-touriste sans plus rien qui puisse évoquer le temps des alchimistes de l'empereur Rodolphe II, une succession de boutiques. Le comble est qu'il faille payer pour visiter les marchands du temple ! J'avais eu peur de rater quelque chose en ne faisant pas l'intérieur de ce monument qu'on peut aussi bien admirer gratuitement de l'extérieur. J'aurais même pû me contenter de la petite visite au lieu du grand tour. Cependant le circuit complet n'est pas inintérressant, mais j'aurais pû le laisser pour plus tard. La tour aux poudres est une collection d'uniformes militaires, surtout autrichiens, nos ennemis d'alors. Le musée contient quelques peintures notables, Cranach, Véronèse, Guido Reni, un ou deux Rubens, les peintres tchèques, essentiellement XIX° siècle, surtout forts dans les paysages romantiques. Quant aux collections historiques et archéologiques, elles n'apprennent rien de neuf ou de vraiment original. Rien sur le long séjour de Képler ou les évènements qui ont conduits à la guerre de trente ans. A l'hostel Ritchie, c'est moi qui ai appris à la responsable qu' Einstein avait enseigné 18 mois à l'université de Prague. Du coup, elle a sorti une page d'internet sur "Einstein à Prague" pour moi. Mais le quartier où il a habité et enseigné est loin au sud de la ville et je n'aurais pas le temps de m'y rendre cette fois-ci.

Lundi 14 juillet 2008

J'ai choisi un train dont l'horaire d'arrivée à Cracovie m'a semblé convenable mais qui n'est pas direct. La campagne tchèque n'est pas très différente de celle de l'Allemagne sauf quand nous atteignons la ville d'Ostrana, une pure horreur industrielle soviètique, un enchevêtrement de tuyaux rouillés et de hangars délabrés que traversent des ruisseaux aux eaux noirâtres et puantes.




 Arrivés en Pologne, il faut changer de train à Katowice, mais il n'y a pas d'indication pour connaître le numéro du quai du train de Cracovie. Il faut gagner le hall central pour le savoir et rebrousser chemin pour attraper la correspondance juste au moment du départ, tout à fait à l'autre bout de la gare. Le train est archi-plein et je voyage debout jusqu'au terminus. Les fumeurs se donnent rendez-vous dans mon bout de couloir pour s'adonner à leur vice. A Cracovie la gare contient un centre commercial avec un magasin Carrefour assez peu achalandé, comparé à ceux de la marque en France. L'hostel n'est pas trop loin (c'est pour cela que je l'ai choisi) dans un quartier plutôt minable. Les chambres sont spacieuses mais la mienne est occupée par un groupe de jeunes anglais qui, de retour d'un "night cap", sont complètement éméchés, surtout l'un d'eux qui titube à travers la chambre et se couche tour à tour dans chacun des lits ! Pas moyen d'avoir accès à mes mails, sans doute à cause de l'antivirus trop protecteur. Je rencontre deux japonais. J'avais dabord cru l'un d'eux sud-américain à cause de sa queue de cheval indienne. Le soir même j'achète un billet pour Vilnius. Je serai obligé d'écourter mon séjour à Cracovie car pour attraper le train de Vilnius qui part à 07 heures du matin de Varsovie il faut que j'y sois bien avant, donc je dois partir d'ici par le train de 01 heure 20 qui arrive à Varsovie à 04 heures 45. Tous ces pays : Tchèquie, Pologne ont la même heure qu'en France et ce n'est qu'en arrivant en Lithuanie qu'on avance sa montre d'une heure.

Mardi 15 juillet 2008

Excursion de la journée entière à Auschwitz. Il y a deux sites, Auschwitz I guère plus grand qu'une caserne, mais dont beaucoup de barraques sont des expositions terrifiantes, surtout les monceaux d'objets personnels, pyramides de valises ou de chevelures, etc...et 3 km plus loin l'immense espace d' Auschwitz II Birkenau, un site hallucinant, gigantesque, avec sa sinistre gare d'arrivée et les rails qui passent sous la porte d'entrée dont on a vu la silhouette dans tant de films. En revanche c'est à Auschwitz I que se trouve la célèbre inscription : "Arbeit macht frei". Je ne sais si c'est à cause de la pollution industrielle voisine, mais l'odeur de la mort flotte toujours ici. Pourtant je n'imaginais pas la campagne environnante sous des couleurs aussi riantes. Bien sûr nous sommes en plein été, mais surtout cette province est le midi de la Pologne. Le long de la route j'ai même vu un chameau ! De retour en ville le soir, j'essaye d'en voir un maximum dans le peu de temps qu'il me reste, mais le château est déja fermé. Comme à Prague, il faudra que je revienne ici aussi, pour contempler par exemple l'un des rares tableaux existants de Léonard de Vinci, la "Belle Ferronière".

Mercredi 16 juillet 2008

Je ne verrai pas grand chose de Varsovie non plus, juste les environs immédiats de la gare où trône le gargantuesque gratte-ciel stalinien et quelques rues du plateau alentour avec des maisons anciennes reconstituées puisque tout avait été détruit en 1944. Le train de 07 heures 21 se rend à Sestokai, en Lithuanie, où il faut changer car l'écartement des voies n'est pas le même dans ces deux pays. Une vieille femme au hautes pommettes saillantes, visage typiquement slave, me donne des explications en allemand. Autrement, tout le monde ici ne parle que polonais (ou lithuanien, je ne saurais distinguer) Dans ces régions frontalières on a vraiment l'impression d'être au bout du monde : rien que d'immenses forêts parsemées de lacs alternants avec des champs et des landes, beaucoup de vaches, mais un habitat si dispersé qu'on s'étonne qu'une voie ferrée désserve ces parages. Là non plus aucune trace visible de frontière car lorsqu'on parvient au lieu où se fait le transfert (Sestokai ne peut être appelé une ville, il y a la gare et trois maisons !) on est déjà en Lithuanie depuis un moment.



 Mais ensuite le paysage change tandis que la vitesse du nouveau train s'accélère et le monde moderne réapparaît. Au sortir de la gare de Vilnius je ne vois aucun plan de la ville qui me permette de me répérer. Quand je cherche à m'informer, on me conseille d'en acheter un dans un kiosque. C'est ça, pour un séjour de quelques heures, je vais m'encombrer d'un plan qui aura toutes les chances de ne plus jamais m'être utile ! Mais comment vais-je trouver l'auberge de jeunesse où j'ai réservé dans ce labyrinthe de ruelles dispersées au petit bonheur ? Enfin une employée d'Eurolines me donne une revue dans laquelle figurent les plans sommaires des trois capitales baltes, un peu comme celles des compagnies aériennes offrant les plans de leur destinations principales. Et me souligne la rue où je dois trouver l'A.J. à trois ou quatres kilomètres du centre. Les rues pour s'y rendre me paraîssent plutôt délabrées, je me crois par endroits à Pompeï ou Herculanum. D'autres en revanche sont des quartiers plein d'animation, pimpants et colorés.

Jeudi 17 juillet 2008

A l'A.J. on m'a indiqué le bus 34 pour retourner à la gare et le tarif serait 1,10 de la monnaie locale. C'est ce que je tends au chauffeur en montant. Mais en descendant à l'arrivée je constate que le prix marqué est 1,40 et je remonte dans le bus pour donner au chaffeur les 30 centimes manquants. Avant 07 heures, rien d'ouvert et je dois me contenter d'un cappucino au macdo.



 Après une route sans histoire je débarque à Riga, tout près de la gare et dans un très grand marché avec de nombreux pavillons, les halles de la Lettonie. La monnaie locale vaut plus que l'euro. Cependant le prix des fruits me paraît beaucoup moins élevé qu'en France. Je suis tenté par les monceaux de cerises, fraises, framboises, myrtilles et même bananes qui ne sont pourtant pas produites dans le coin. Je déjeune d'une brochette de porc grillé avec une assiette d'oignons et tomates pour 2 € puis achète du pain noir caoutchouteux au léger goût de pain d'épices. La cité de Riga ressemble un peu à Prague, il y a là aussi des quartiers juifs, des bâtiments anciens qui pourraient servir de décor à des reconstitutions historiques, mais dans une zone plus resserrée et surtout nous sommes dans un port, sur la Baltique, et l'on y aperçoit de gros bateaux, image toujours réjouissante pour un grand voyageur.
Les jardins de la présidence de la république sont situés en contrebas d'un pont voisin d'où ils sont visibles depuis la rampe, offerts à la concupiscence des paparazzi ou bien à la malveillance de terroristes éventuels.

Vendredi 18 juillet 2008

Départ à 10 heures et déjà des embouteillages. Mais c'est bientôt la campagne, une succession de champs et de forêts, surtout des pins rouges au tronc rectiligne surmonté d'un bouquet vert à la cîme et quelques bouleaux au tronc blanc. Le long de la route nichent des cigognes et deux fois de suite l'une d'entre elles s'envolera, décollant lourdement en parallèlle avec le bus ou juste devant lui. J'aperçois le rivage de la mer Baltique du côté gauche.



A la frontière de l' Estonie, le vieux poste tient encore debout bien qu' inoccupé. Un peu plus loin à l'intérieur du pays deux femmes policiers nous arrêtent pour un contrôle alléatoire des papiers. A Tallin je me fais indiquer l' hostel Tatari, sur la rue du même nom, en direction du centre. Extérieurement, l'aspect est digne d'un film d'horreur, on s'attend à ce que les balcons s'effondrent sur nos têtes d'un instant à l'autre et à voir surgir Dracula en personne. Mais l'intérieur tient encore bon. Cependant si les chambres sont spacieuses et confortables, il n'y a pas d'accès internet. On sent un peu l'endroit laissé pour compte par la désoviétisation. J'ai l'impression fausse d'être le seul client. Le soir, je rencontre un jeune espagnol maniéré, en costume-cravate, muni d'une lourde et imposante valise, qui vient de se faire jeter du train pour Saint-Petersbourg : il ignorait tout simplement qu'un visa était nécessaire pour la Russie ! Ce personnage détonne curieusement dans un hostel pour back-packers, avec ce mélange déconcertant de naïveté et de comportement guindé, un fantôme du monde d'avant-guerre. Je pars visiter la ville et me dirige vers le port, toujours fasciné par les gros navires, contemplant une mer dont je vais maintenant m'éloigner chaque jour un peu plus pendant deux mois. Je découvre un bizarre monument de béton, esplanade en voie d'effondrement, souvenir de l'époque stalinienne ? Une société d' hélicoptères y a son siège, dont on se demande où sont les appareils. Dans un coin entre béton, rocaille et bord de mer j'observe une nichée de cygnes, un couple avec 6 petits, pas si petits d'ailleurs mais encore au plumage gris, et par dessus tout ça des mouettes qui piaillent. La vue sur le golfe de Finlande est magnifique. Puis il y a la vieille ville, étonnante, un Disneyland qui serait authentique pour une fois, avec une ceinture de muraille comme à Carcassonne, des toits pointus aux tuiles rouges, des bâtiments datant du moyen-âge ou de la Renaissance, mais ici, contrairement à Prague ou Riga on est en présence d'un ensemble cohérent et non pas de monuments dispersés un peu partout au sein d'une ville moderne. Il y a tout de même des constructions récentes, mais elles s'intègrent parfaitement et ne gâchent pas la perspective d'ensemble. La ville haute était réservée aux nobles, la ville basse étant essentiellement un relais hanséatique : les demeures ont toutes, juste sous le toit, une poutre qui surplombe la rue avec (autrefois) des poulies pour hisser les marchandises dans les greniers.

Samedi 19 juillet 2008

Aujourd'hui, je commence ma visite par la cathédrale orthodoxe et j'ai la chance d'assister à la messe. En bas des marches, alignées, des femmes agées mendient. A l' intérieur, beaucoup de femmes aussi, agées ou jeunes, la tête recouverte d' un fichu, parfois à genoux ou même se prosternant. La messe est chantée, des choeurs magnifiques, des voix profondes, l' émotion et la ferveur sont intenses. Il y a là un homme typiquement slave, des cheveux longs, une barbe fournie, un air de Michel Lonsdale, qui m'impressionne. Et les popes, barbus aussi, embrassent les icones. Le signe de croix orthodoxe est particulier, la communion se fait avec une serviette rouge afin que les miettes de l' hostie s'y détachent bien pour ne pas risquer la perte ne serait-ce que d'un atome de la précieuse substance sacrée que l'on fait passer avec du vin....et des gateaux ! Je sors de là avec des sentiments partagés, ému par la foi vibrante et quasi mystique, et en même temps légèrement condescendant envers cette démonstration d'obscurantisme, la manipulation évidente des âmes faibles, l' inquiétante violence virtuelle du nationalisme rentré (les portraits du tsar et de sa famille, le tsarévitch) le masochisme de ces humiliations volontaires. Quelques mètres plus loin la cathédrale luthérienne expose des murs nus et une foi plus rationaliste et plus rassie. Mais l' une comme l' autre sont trop souvent construites sur la chasse à l'étranger, la sorcière ou le bouc émissaire. Ce pays est le décor tout craché du monde d' Harry Potter. D'ailleurs, j'y ai croisé beaucoup de chats noirs !

Dimanche 20 juillet 2008

Il a fait beau ces deux derniers jours mais à partir de Tallinn le ciel se couvre et il va pleuvoir le restant de la journée.



 La frontière est marquée par un fleuve sur chaque rive duquel se dresse une forteresse. Le douanier hésite devant mon passeport. Est-ce à cause de mon nom ? En fait, c'est seulement qu'ayant été délivré en 2001 il n'était pas aux nouvelles normes de l'après 11 septembre. L'agent se résoud à me laisser passer après avoir dûment consulté son supérieur hiérarchique. Le point d'arrivée du bus est devant la gare de la Baltique, assez loin du centre. Je prends le métro (17 Rbl + 5 Rbl pour le bagage) Je descends la perspective Newski en direction de la mer, un peu au pif, essayant de me remémorer le plan entrevu quelques secondes lors de ma réservation par internet, il y a trois semaines ! Bien sûr, je tourne en rond. Heureusement, j'ai quand même noté l'adresse sur mon carnet. Je découvre qu'en fait j'étais déjà passé devant la bonne porte une fois, mais en Russie, les auberges de jeunesse ou guest-houses n'affichent aucun signe distinctif de leur présence, ce sont de simples appartements privés aménagés en local collectif, sans raison sociale sur la porte. Il faut savoir qu'ils sont là ! Tous les immeubles ont des portes blindées qui ne s'ouvrent qu'avec un code et aucun panneau n'informe sur le nom ou l'étage des différents locataires, qu'il faut donc connaître à l'avance. Est-ce un mauvais souvenir de l'époque stalinienne où l'on n'était pas pressé de faciliter le travail des sbires du K.G.B. ? Après m'être renseigné dans un commerce voisin pour confirmer l'adresse, je monte un escalier lugubre et crasseux et dépose enfin mon sac. L'intérieur, comme à Tallinn, est nettement plus chaleureux que les abords. L'avantage principal du Nordhostel, c'est qu'il est en plein centre, tout près de l' Hermitage et de la Néva. Mais comme ces entreprises semi-clandestines n'acceptent pas les cartes de crédit, je sort pour trouver un distributeur. Lorsque je reviens, je suis à cent mètres de la porte quand tombe un véritable déluge qui m'empêche un moment de traverser la perspective Newski, pourtant libérée de toute circulation automobile parce qu'on refait la chaussée. Il y a partout des rues défoncées et en travaux : la courte saison d'été est à peine suffisante pour réparer les dégats de l'hiver. Pendant que je patiente sous un échafaudage, j'entends à côté de moi la conversation d'un couple de français, ou plutôt le monologue de l'homme qui disserte sur la meilleure façon de visiter l' Hermitage. Pour moi ce sera après demain car demain lundi est le jour de fermeture.

Lundi 21 juillet 2008

Je monte et descends la perspective Newski et il me faut pour cela la journée entière. Je vais en premier acheter mon billet pour Moscou pour vendredi, à l'agence centrale des chemins de fer, puis je vais en repérage jusqu'à la gare de Moscou. En cours de route je visite toutes les églises et places le long du trajet, le grand magasin Dvor, l'église catholique, la cathédrale de Kazan où j'aperçois un portrait de la famille impériale avec le tsarévitch au premier plan et une immense queue de fidèles qui attendent patiemment de pouvoir embrasser l'icône miraculeuse qui a protégé la ville des entreprises de Napoléon.

Mardi 22 juillet 2008
                                          Photo de Claude Chapuis
Passé la journée entière à l' Hermitage. L'entrée (350 Rbl) ne comprend pas la visite (obligatoirement en groupe) aux deux trésors, le trésor scythe et celui du tsar. On n'en finirait pas d'énumérer tous les tableaux célèbres que contient le musée, un Caravage, deux Vinci, des Rembrandt, Rubens, Van Dyck, beaucoup de français du XVIII° siècle dont Watteau, Boucher, Fragonard etc...Je n'ai pas eu le temps de voir les modernes, Matisse ou Gauguin. Il y a aussi les salles d'apparat et du trône de ce qui fût le Palais d' hiver.
Hier soir un australien, Simon, m'a invité à me joindre à une partie de cartes. J'ai juste regardé, puis nous avons bavardé et Simon nous a raconté les belles histoires de sa jeunesse, ses aventures de teen-ager qui embourbe la voiture familiale lors de ses sorties nocturnes. Quand il me dit qu'il voyage plusieurs mois en Russie je m'étonne, sachant que le visa touriste est limité à une durée d'un mois. Mais il a un visa d'affaires. Une anglaise d'origine indienne, Veena, m'a appris qu'elle se rendait elle aussi à Novosibirsk pour l' éclipse. Elle a loué un grand appartement et serait disposée à le partager, mais comme le prix est de 100 € par jour il faudrait encore trouver d'autres partenaires car 50 €, c'est encore trop cher pour moi. Je rencontre également un jeune couple italien qui achève un tour du monde, venant d' Australie, et une brésilienne, Patricia, étudiante en journalisme et parcourant l' Europe depuis la Grèce. Elle cherche à vérifier une de ses informations concernant l'existence d'un musée où serait conservé le pénis de Raspoutine !

Mercredi 23 juillet 2008

Je répère la poste centrale près de la cathédrale Saint Isaac (visite payante, plus un supplément pour monter à la colonnade qui entoure le dôme central) puis me dirige vers les jardins Youssoupov, croyant y trouver le palais du même nom, mais celui-ci ne se situe pas à cet endroit. En revenant vers la perspective Newski, sur une place, un grand centre commercial moderne avec multiplex et casino attire mon attention. A l'étage des salles de jeux, des portiques magnétiques filtrent les passants. Je poursuis ma visite avec la cathédrale du Sang Versé, construite sur le site de l'assassinat d' Alexandre II ( 1° mars 1880) dans le style traditionnel des clochers à bulbes multicolores. Puis par les jardins je gagne la forteresse Pierre et Paul (en russe : Petropavlov ) sur l'autre rive de la Neva, avec un crochet pour voir le croiseur Aurora et la mosquée dans le style de l' Asie centrale. Après avoir traversé la forteresse je jette un coup d' oeil sur le zoo puis cherche le musée Pouchkine. Aujourd'hui il fait enfin beau toute la journée et j'attends 22 heures trente devant l' Hermitage pour assister au coucher de soleil, en face du magnifique jet d'eau dont la danse accompagne un spectacle musical sur fond de reflet arc-en-ciel. Là s'arrêtent les énormes limousines qui trimballent semble-t-il tous les jeunes mariés de la Russie venus se faire photographier en prenant des poses de star devant les sites célèbres. J'avais déja aperçu un tel couple à Tallinn, dans les ruelles anciennes, mais ici c'est une industrie à la chaîne ! La séance se termine au champagne....de Crimée. Le plop du bouchon qui saute s'entend à peine, couvert par la détonation du petit canon dont le tir est proposé à la demande parmi mille autres attractions pour les innombrables flâneurs des nuits blanches de Saint-Pétersbourg.

Jeudi 24 juillet 2008

Je commence la journée avec le palais Youssoupov qui contient une reconstitution du meurtre de Raspoutine par le prince et ses complices, dans le style du musée Grévin, horriblement...cher ( 500 Rbl + 350 Rbl !) Je longe les vieux bâtiments désaffectés et en ruine des anciens docks hollandais, une palissade annonce les prochains travaux de réhabilitation et de construction d'un ensemble de salles de spectacle et d'activités diverses. Au bord de la Néva, j'assiste à l'arrivée d'un superbe bateau de croisière, un autre plus grand étant déjà amaré. De l'autre côté on trouve deux musées intéressants, celui d' histoire naturelle et celui des peuples de l'ex-union soviétique. Je me dirige ensuite à l'ouest dans l'espoir de voir une fois encore le rivage de la mer Baltique, mais des travaux bloquent l'accès du parc des sports, ici aussi on rénove à tout va, dans la ville entière on refait les rues, les façades, on lance de grands projets immobiliers. Cependant, même en plein centre  subsistent des îlots délabrés aux vitres cassées, des passages couverts noirs de crasse,sentant fortement l'urine, abris de vagabonds. Sur la perspective Newski j'ai vu des mendiants mutilés, anciens d' Afghanistan. Tout près de Saint-Nicolas, hérissé d'échafaudages, un immense bâtiment tristement désolé entouré d' arcades m' a fait songer à l' Amérique du sud. Après un bon bout de chemin je parviens au Luna-park, dont les attractions datent des années cinquante. Il faut continuer plus loin vers le nord-ouest pour enfin entr'apercevoir la Baltique par une fente de la palissade qui isole les quais et les chantiers. Il y a là le temple bouddhiste, de style tibétain : comme pour la mosquée, il a été construit en pensant aux besoins spirituels des innombrables peuples de l'empire des tsars. Au-délà, vers l'ouest, se succèdent des quartiers flambant neufs pour les nouveaux riches, et les magasins rutilants des concessionaires B.M.W. , Volvo, Mercédès etc.

Samedi 26 juillet 2008

Arrivée à Moscou de bonne heure. Je prends le métro pour une seule station de peur d'avoir un trop long chemin à pied mais le Transsiberian hostel n'est finalement pas très loin de la gare de Koursk, dans un agréable quartier de maisons basses, il y a même un jardin. L'équipe qui le gère est jeune, sympathique, artiste ! Je laisse mon lourd bagage puis me dirige vers la place Rouge, c'est tout droit vers l'ouest. Mais la place est fermée au public en raison d'une cérémonie, ce soir, pour laquelle on aménage une estrade. L'endroit me paraît plus petit que sur les photos. Le Kremlin est construit sur une hauteur qui domine la Moskova, encaissée en contrebas, alors que je me figurait le site tout plat, avec de larges avenues boisées et non ces rues étroites et cet entassement de béton. Je passe devant la galerie Trétiakov sans la visiter, il faudra que je revienne spécialement pour ça une autre fois, puis retraverse la Moskova par une passerelle devant la Cathédrale entièrement reconstruite récemment après avoir été rasée sous Staline. Dans la crypte il y a une exposition d' icônes anciennes et une énième exposition sur la famille impériale et le Tsarévitch. Au loin, dehors, j'aperçois une monstruosité kitsch noirâtre, un amoncellement vertical, comme une brochette de nefs, avec à la barre d'un navire plus petit que son propre corps, Pierre le Grand.



 De là, je gagne la rue Arbat, sans intérêt, où je mange toutefois au Mac Donald ! et reviens à l' hostel en contournant le Kremlin et passant par la sinistre Lubianka. Je constate à Moscou le même ballet de somptueuses limousines pour les mariages qu' à Saint-Pétersbourg.

Dimanche 27 juillet 2008

Aujourd'hui la place Rouge a repris son visage habituel, noire de monde, surtout des cars de touristes. Je fais bien sûr la queue au mausolée de Lénine, mais contrairement à la foule pressée je prends le temps de déchiffrer les noms des autres personnages enterrés au pied du mur d'enceinte du Kremlin, les anciens présidents, Staline toujours, et aussi certains héros de l'ex-union soviétique comme Youri Gagarine. De là je pousse une pointe jusqu'au parc Gorki dont l'accès est payant (80 Rbl) car j'ai vu de loin un pont piétonnier magnifique qui enjambe la Moskova, surmonté d'un toit-verrière qui doit s'avérer bien pratique en hiver, et qui conduit à de vastes étendues de verdure. Le long des quais j'observe le curieux bâtiment qui abrite une résidence de l'ambassade de France. Il y a sur la Moskova, comme sur la Néva à Saint-Pétersbourg, de luxueux restaurants au style tapageur et kitsch, énormes faux galions avec karaoké et tout le tintouin pour épater une clientèle de nouveaux riches. Je reviens en passant devant le musée d'art moderne orné d'un sigle commercial gigantesque et la hideuse statue de Pierre le Grand. Non loin de là je remarque l'entrée de l'annexe moscovite du restaurant "Bon" puis du haut de la passerelle que j'avais emprunté hier pour aller à la cathédrale je découvre une ancienne chocolaterie en pleine rénovation : Moscou n'est pas en reste sur Saint-Pétersbourg pour utiliser à grand frais son patrimoine ancien dans des opérations immobilières de prestige.

Lundi 28 juillet 2008

Je gagne à pied l'agence où je dois retirer mes billets de train puis me rend à la gare Yaroslavsky afin de prendre mes repères : je n'aime pas arriver au dernier moment dans une gare aussi grande. Sur le chemin je vois un homme de type caucasien giffler sa compagne en pleine rue. Celle-ci, une russe, ne réagit pas et semble accepter l'outrage comme si elle l'avait mérité. Mais je suis révolté par ce comportement. Que faire, cependant dans ce pays où je suis étranger et dont je ne parle pas bien la langue ? Tout le monde autour de moi semble indifférent à cet esclandre, les moscovites barricadent leurs émotions derrière une barrière infranchissable, se pelotonnent dans un cocon hors d'atteinte de la violence publique comme les habitants de toutes les grandes métropoles de la planète, peut-être encore davantage à cause du lourd héritage d'oppression soviètique. Aujourd'hui il pleut et fait presque froid. Je continue sur ma lancée jusqu'à la gare Kurskaya et m'arrête pour déjeuner au centre commercial avec multiplex et casino, comme celui de Saint-Pétersbourg, l'"Atrium". Il y a un genre de food-plazza au 3° étage mais de toutes les cuisines du monde c'est maintenant uniquement la cuisine russe qui m'intéresse, à prix abordable dans cet endroit. Je choisis donc un bortch et une kartoffel arrosés d'une pivo. Lorsque je passe au transsiberian hostel prendre mes bagages, on m'invite pour la fête du deuxième anniversaire de l'établissement. Ce sera l'occasion pour moi de descendre cinq verres de vodka, de la bonne, et de me goinfrer de saumon grillé, blinis, tomates, concombres, viandes diverses, charcuterie etc...: j'ai 48 heures de train devant moi pour cuver et digérer. La famille et les amis des gérants sont d'un milieu artiste. Il y a des peintres, des poètes (qui improvisent en l'honneur des hôtes) et même un chanteur célèbre ici paraît-il, un homme au regard perçant et intense au point que c'en est troublant. Belle soirée d'adieu, donc, pour moi. Je n'ai pas vu le temps passer et dois me dépêcher d'aller à la gare : heureusement que j'avais déjà reconnu les lieux avant !

Mardi 29 juillet 2008

C'est parti depuis hier soir. Dans les trains russes, sur les longues distances, il faut pour embarquer montrer non seulement son billet au provotnik (contrôleur et steward en même temps) mais aussi son passeport. Et même les russes, car un passeport intérieur leur est nécessaire pour voyager à l'intérieur de leur propre pays, encore aujourd'hui. J'ai dû me contenter de la 3° classe, mais la seule différence avec la 2° c'est qu'il y a des couchettes aussi le long du couloir. On est donc dans un espace plus restreint. Ici, pas un seul étranger, à part moi. Je vais donc devoir pratiquer mon russe aproximatif, bien qu' Irina m'ait demandé : "do you speak english ?" au départ. Avec son mari, Victor, il reviennent d'un voyage en France. Bien qu'ils aient la cinquantaine, ils donnent l'impression d'un couple de jeunes amoureux. Paris leur a-t-il fait l'effet d'un deuxième voyage de noce ? Ils discutent avec Vladimir, le quatrième larron de notre compartiment, assez âgé, aux gestes lents et posés, bien organisé, qui lit une biographie de Tesla que j'ai vue, récement sortie en librairie. Les couchettes du couloir sont occupées par un jeune couple dont l'homme semble avoir pour passe-temps de broder des sortes de couvre-chaussures. Car chacun, ici, doit se trouver une occupation, mot-croisés, lecture, étude du russe (pour moi) tant le voyage sera long et monotone. Depuis la Pologne la voie est uniformément rectiligne, bordée de deux murs d'arbres parallèles avec à peine une trouée de temps en temps permettant de vérifier que la plaine rase s'étend à l'infini et ce sera comme ça jusqu'au milieu de la Sibérie. Les seules interruptions dans ce défilé un peu ennuyeux sont offertes par la traversée d'un fleuve, au bord duquel s'est construite la grande ville locale. Après Yaroslav, qui a donné son nom à la gare moscovite du transsibérien, c'est Kirov puis Perm atteinte au soir du 2° jour, ensuite Sverdlovsk, l'ancienne Ekaterinenbourg, théatre du massacre de la famille impériale, Omsk et enfin au bout de 51 heures de morne platitude heureusement remplies par l'observation des familles russes ordinaires, des classes moyennes, l'arrivée à Novossibirsk au petit matin après le franchissement du pont majestueux sur l' Ob, ce fleuve bien connu des cruciverbistes et des lecteurs du Michel Strogoff de Jules Vernes.

Jeudi 31 juillet 2008

Plutôt difficile, cette arrivée. Aucun plan de la cité, aucune information touristique, rien sur l' éclipse de demain au point que je me surprend à douter qu'elle aie bien lieu ici ! Je tourne en rond dans la gare, essayant de déchiffrer les panneaux, sans conviction. La gostinnitsa (hôtel intérieur à la gare) n'a pas profité de l'occasion pour tripler ses prix comme les autres hôtels de la ville mais malheureusement il y a un gros problème : il n'y a pas d'eau chaude en ce moment et même plus d'eau du tout ce matin. Je ne veux pas payer 1200 Rbl si je ne peux pas me laver ! Je vais acheter mon billet pour Alma-Ata, au Kazakhstan, lorsque je quitterai la Russie le 18 août prochain. Après une longue queue, bousculé par les russes en force, familles nombreuses dont les membres surgissent de tous côtés et sont totalement indifférents à mes hésitations d'étranger, j'avais simplement souhaité savoir quel était le prix et s'il était possible de régler avec une carte visa, mais la fonctionnaire en uniforme avec épaulettes me débite d'office avant que j'ai pu tirer le montant exact au clair. Bah, de toutes façons il me le fallait bien, ce billet. Je renonce à laisser mon sac à dos à la consigne, 57 Rbl pour moins de 12 heures, et d'ailleurs si je retrouve Veena je n'en aurai plus besoin, je pourrai laisser mon sac chez elle même si je n'habite pas là. Je m'aventure dans les rues comme d'habitude, au pif, essayant de me remémorer le peu que j'ai vu du plan dans le Lonely Planet, 3 secondes il y a plus de dix jours ! Après avoir demandé quatre ou cinq fois mon chemin je finis par répérer Sibirskaya 17 au fond d'un véritable labyrinthe de HLM au milieu d'un petit parc plaisant avec de grands arbres et des jeux pour les enfants. Les immeubles paraissent miteux et rouillés. Le 17 est bien après le 15 mais à côté du 31, car au-délà de la rue principale, Sibirskaya, toutes les allées latérales participent de la numérotation dans un fouillis inextricable ! Je m'assied dans le jardin en face de la porte d'entrée du 17, en fait il y en a deux, décidé à attendre l'apparition de Veena en scrutant les visages de tout ceux qui entrent et sortent, car les portes blindées s'ouvrent avec un code et j'ignore si Veena est bien là et à quel étage. Finalement le soir tombe et j'abandonne la partie, retournant à la gare et à sa salle d'attente bruyante et agitée.

Vendredi 1° août 2008

Finalement j'ai quitté la salle d'attente trop inconfortable et j'ai cherché dans la grande rue voisine un abri couvert (car il pluviotait un peu) pour m'allonger sur mon sac. Ce matin, après une nouvelle et vaine tentative de prendre un lit dans la gostinnitsa de la gare, j'ai pris mon petit-déjeuner au coffee house puis je suis descendu vers le fleuve, l' Ob, et j'ai rencontré en cours de route un mauricien qui avait un plan de la ville et un allemand qui ont pu me renseigner sur comment les choses se présentaient. Ils m'ont notament indiqué qu'il y avait un très grand parc sur la rive plus au sud où s'étaient déjà installés les astronomes amateurs équipés de matériel lourd. Pour le moment je continue mon chemin et franchit le pont immense, m'aventurant sur l'autre rive, sablonneuse et boisée, avec une plage où deux trois personnes se baignent. Une vieille femme garde un troupeau de chèvres. Le site est assez sauvage, tout près de la ville, mais je crains l'arrivée de la pluie en voyant de gros nuages gris et décide de gagner le site principal d'observation signalé par le mauricien et l'allemand, plus au sud, où une trentaine de téléscopes auraient déjà été installés. J'y parviens après un long détour en suivant plus ou moins la voie ferrée, par des quartiers industriels. Le parc est un jardin public le long de l' Ob, séparé du rivage par une balustrade le long de laquelle se pressent les spectateurs, du moins ceux qui ne se sont pas allongés sur la pelouse parsemée de tentes du comité d'accueil local. Mais un fort vent menace de tout emporter. Les nuages, s'ils risquent de nuire à la visibilité de l'éclipse, ne sont cependant pas porteurs de pluie. Je m'installe à côté d'un jeune couple d'australiens débarqués ce matin de l'avion qui les emmenait après une escalade de l' Elbourz, au Caucase, et ils repartiront le soir même pour Irkoutsk en train. Peut-être les reverrais-je là-bas ? Lorsque l'heure de l'éclipse arrive les nuages disparaissent comme par enchantement et je suis ravi de pouvoir contempler ce spectacle de la nature pour la deuxième fois de ma vie. Les oiseaux se perchent pour dormir avant l'heure normale, un peu déboussolés ! Le vent devient encore plus violent car l' obscurité entraîne un refroidissement local qui crée un différentiel de température et donc de pression avec les régions limitrophes de la bande de totalité. Le trafic ne s'interrompt pas une seconde sur le pont voisin, c'est à peine si les automobilistes prennent le temps de se mettre en code. Puis tout revient lentement à la normale et bientôt la foule immense s'écoule vers les boulevards qui remontent au centre ville : la fête est terminée. Je pars à la recherche d'un centre téléphonique pour appeler la France et donner de mes nouvelles ainsi que signaler la parfaite réussite de l'évènement. J'avais un point de repère sur un plan mais je me trompe de bâtiment parce que j'avais lu le mot téléphone sur l'enseigne. En fait, il s'agit d'une compagnie privée, Sibirtelecom,  pas de la compagnie publique des télecoms. Mais j'ai la surprise, quand je me renseigne, de voir arriver un russe qui parle italien, ayant passé deux ans à Reggio et y ayant trouvé une épouse. Il se propose de me conduire au bon endroit, pas vraiment éloigné mais c'est un plaisir de parler avec ce couple, même seulement quelques minutes. Curieux renversement de la situation habituelle où se sont plutôt des femmes russes qui cherchent à épouser des occidentaux.

Samedi 2 août 2008

Prévoyant un exode massif à la fin de l'éclipse j'ai préféré différer mon départ d'un jour au moins et j'ai donc dû repasser une nuit dans la salle d'attente. Mais enfin ce matin une place se libère dans la Gostinnitsa  et je peux dormir dans un lit moelleux après une voluptueuse douche glacée ! Le soir j'embarque dans le train pour Irkoutsk, qui poursuivra jusqu'à Vladivostok. Parmi les passagers, un groupe de jeunes, sans doute étudiants, feuillette fébrilement un livre : "Bird watching in Asia". Ils sont équipés pour un gros trekking. Il y a aussi toute une colonie d'adolescents qui ne cessent de traverser puis retraverser le wagon en sens inverse en très longue file, à la queue-leu-leu. Cette fois ci ma couchette est le long du couloir, aussi je n'apprécie guère cette bougeotte !

Dimanche 3 août 2008

A l'arrêt en gare suivant Novossibirsk j'ai la surprise de rencontrer Veena sur le quai, elle est dans le train, elle aussi, en seconde classe. Je lui raconte l'avoir guettée en vain toute la journée et elle m'explique que ce jour là, elle était partie en excursion. Bah, tant pis ! Je lui fait remarquer qu'ici, au coeur de la Sibérie, nous sommes juste à l'aplomb du pays de ses origines : l'Inde, il suffirait (!) d'aller tout droit vers le sud. Mais c'est à Pékin qu'elle se rend, pas spécialement pour les jeux olympiques, plutôt pour son travail, à l'équivalent de la RATP londonienne, se renseigner sur le métro chinois.Après Krasnoïarsk le paysage change enfin, beaucoup plus plaisant, vallonné, boisé, on dirait un peu le Jura, avec de nombreuses isbas dont les jardins potagers sont ceints d'une clôture en bois. Très peu de monde, parfois quelques vaches distraites regardent passer le long serpent de nos wagons.

Lundi 4 août 2008

Arrivée à Irkoutsk au petit matin froid et brumeux : ce n'est pas la côte d'azur ! Aucun plan à la gare, ni syndicat d'initiative. Les instructions données dans le mail de la réservation disent bien de suivre les rails du tram, mais dans quel sens : à droite ou à gauche lorsqu'on sort de la gare ? Je me renseigne : c'est à droite. Tout de suite il y a un pont qui franchit l'Angara, totalement noyé dans le brouillard. Diantre, c'est ici que je prévois de passer quelques nuits dehors ? Après un long cheminement dans des rues aux maisons peu élevées, parfois charmantes, en bois sculpté avec des fenêtres ornées de rideaux en dentelle, mais dont beaucoup sont décrépies et branlantes quand elles ne sont pas déja effondrées, j'atteins finalement le "Baikaler" recommandé par le Lonely Planet, bien situé au centre ville. Comme tous les autres hostels en Russie c'est un appartement en étage et la porte au bas est blindée et fermée, accessible par un code ou après un appel à l'interphone. Aussitôt installé je fais une bonne sieste dans un lit qui ne bouge pas sans arrêt ! Puis je me renseigne sur les formalités d'enregistrement, obligatoires puisque je compte rester une quinzaine de jours dans la région. Et ici c'est toute une histoire, payante pour commencer, au contraire de Saint-Petersbourg, car il faut faire ça par dessous la table, grâce à une employée de l'Hôtel Angara. Je vais tenter d'aller faire enregistrer mon visa directement auprès du service concerné mais Anastasia, qui parle français, doit téléphoner à plusieurs endroits pour s'assurer de l'adresse. Celle qu'elle finira par dégoter ne mènera en fait nulle part. Apparement les gens qui viennent ici ne font qu'un bref passage entre deux trains ou deux excursions et ne songent pas à se faire enregistrer. C'est pourtant obligatoire !

Mardi 5 août 2008

Je vais repérer l'hôtel Angara puis les distributeurs ATM. Il y en a un peu partout dans la ville. Ensuite je retourne à la gare acheter mon billet de retour sur Novossibirsk. Après une heure de queue au guichet renseignement j'obtiens les informations indispensables pour réserver : horaire et numéro du train, numéro du guichet concerné et m'aligne dans la queue devant celui-ci seulement pour m'apercevoir que je me suis trompé dans la date de départ, ce n'est pas le 14 que je pars d'ici mais le 15. A nouveau je reprends position dans la file du guichet information puis une heure plus tard devant le guichet des ventes à l'avance pour enfin acheter mon billet. L'après-midi est consacrée à la recherche du bureau dont Anastasia m'a donné l'adresse. Je trouve une porte fermée et aucun signe d'activité derrière les vitres. Je m'enquiers auprès du gardien d'un bureau voisin qui m'indique une autre adresse quelques patés de maisons plus loin. Mais ce n'est pas là non plus. On me propose sans conviction une troisième adresse. En voyant dans le couloir une longue file d'attente de russes tenant un passeport à la main je pense être arrivé au but et je m'apprête à prendre place dans la queue lorsqu'un policier de faction m'aperçoit et m'apostrophe d'une voix peu amène : qu'est-ce que je viens foutre ici ? On ne s'occupe pas des étrangers. J'ai mon compte de paperasserie cette fois et je me résigne à suivre la procédure indiquée dans le classeur d'information du Baïkaler : J'irai trouver Olga à l'hôtel Angara et lui filerai ses 300 Rbl, même si c'est un peu cher pour moi c'est nettement plus simple !

Mercredi 6 août 2008

Randonnée en direction du barrage sur l' Angara à 6 km en traversant un paysage de banlieue, rues défoncées en travaux, grisaille, poussière, pluie fine et incessante, bâtiments de béton miteux qui me font songer à bien d'autres décors de cités du tiers monde où je me suis aventuré hors des limites touristiques lors de mes précédents voyages avant d'arriver enfin devant ce fameux barrage. Et je comprends soudain l'orientation du plan général d' Irkoutsk. En débarquant et franchissant l' Angara je m'étais figuré je ne sais pourquoi que le fleuve coulait en direction du lac Baïkal alors qu'en fait il s'écoulait depuis ce barrage : J'avais donc pris l'axe sud-est/nord-ouest pour son inverse et en voyant que le niveau du lac était supérieur à celui du fleuve en contre-bas j'ai compris mon erreur, compréhensible car le temps étant constament pluvieux ou brumeux, je n'avais aucune idée du couchant ou du levant puisque le soleil n' apparaissait jamais. Sur la rive sud, assez abrupte, je distingue de jolis bois et une plage , aujourd'hui totalement déserte, mais qui doit être assez fréquentée par beau temps si j'en juge par l'alignement désolé des chaises-longues louées 500 Rbl à la journée comme indiqué par un panneau dans la buvette sans aucun client. Si les baigneurs sont absents, le mauvais temps ne gêne pas les pêcheurs qui se dispersent tout le long du barrage et des rives. Finalement cet endroit possède un certain charme morose de bout du monde abandonné. Je poursuis ma route jusqu'à l'embarcadère des bateaux qui permettent de gagner le Baïkal proprement dit, à 70 km d'ici, car nous sommes seulement au point extrême du bras artificiel qui s'est constitué lorsque le barrage a relevé le niveau du lac de plusieurs mètres, inondant le fleuve. En revenant vers Irkoutsk je tombe sur le marché dit "chinois" en fait plutôt tenu par les Bouriates, premiers occupants du pays, mais qui vendent effectivement des produits de la Chine proche, sauf pour la spécificité locale : les somptueuses fourrures...mais je ne vais pas me fâcher avec les amis des animaux. A la station de bus je me renseigne sur les tarifs et les horaires pour Litvianska et l' île d' Olkhon, les deux excursions majeures à partir d' Irkoutsk. Le soir, au Baïkaler, je fais plus ample connaissance avec les hôtes de Jack Sheremetoff, venu de tous les horizons de la planète : une famille belge de retour de Mongolie, beaucoup de français (comme partout dans le monde au mois d'août !) un américain professeur d' astronomie à l'université Columbia (NY) venu comme moi pour l'éclipse, des basques qui s'offusqueraient si on les disait espagnols et finalement, mais oui ! le couple d' australiens rencontré à Novossibirsk !

Jeudi 7 août 2008

Ce matin en compagnie d' un couple anglais qui a passé la soirée de la veille à méticuleusement ranger leurs sacs à dos en prévision de leur excursion à Litvianska je me hasarde dans le lobby de l' hôtel Angara où nous finissons par répérer la fameuse Olga à qui nous remettons nos passeports pour obtenir le précieux tampon. Je suis frappé par la pauvreté du choix dans la boutique des souvenirs locaux. On trouve bien mieux au marché. C'est pourtant le grand hôtel d' Irkoustk ! La pluie incessante me décourage d'aller moi aussi à Litvianska aujourd'hui, je reste au Baïkaler une nuit de plus et me désespère en regardant la météo du lendemain, tout aussi excécrable. Je profite de ce mauvais temps pour pianoter sur internet. Jack est un ancien cadre d' une société informatique qui a fait faillite, pas à cause de lui s' empresse-t-il d' ajouter avec une pointe d' humour sur son site ! Une belle reconversion qui lui permet d' être en contact avec le monde entier qui vient le voir tandis qu'il reste chez lui. Je réserve la nuit suivante à l' antenne du Baïkaler de Litvianska.

Vendredi 8 août 2008

Pris l'autobus de 14 heures 30. Dès la sortie de la ville le retour du soleil et la campagne verdoyante me remettent du baume au coeur. J'entrevois à droite le bras du Baïkal qui conduit au débarcadère et au port d' Irkoutsk. La route monte et descend, une succession de bosses et de creux. Arrivée à Litvianska sous un soleil éclatant, on aperçoit l'autre rive du lac, guère plus large que celui de Genève : c'est en longueur qu'il fait la différence. Aussitôt le bus arrêté, je me dirige vers le cap à l' extrêmité est de la bourgade, d' où part le sentier qui mène au village de Bolchoi Koti (" Grandes bottes" en russe, celles que mettaient les chercheurs d'or pour laver le minerai) accessible seulement par le lac ou par ce sentier de chèvres. Il y a là, au point de départ, un parc sous les pins avec des petits stands numérotés avec deux bancs et une table pour les pique-niques des excursionnistes comme j'en ai vu aussi tout le long de la plage ou plutôt de l'étroite rive caillouteuse. La route s'arrête à la barrière du parking où un gardien contrôle l'accès. Il y a ensuite un petit vallon avec un ruisseau qui se jette dans le lac et au-délà la rive rocheuse se rétrécit petit à petit pour finir coincée par la falaise. Je reviendrai demain, pour ce soir j'ai réservé à l'antenne du Baïkaler et je dois faire des provisions. Je refais donc dans toute sa longueur la route par laquelle je suis arrivé, coincée entre le lac et les collines boisées qui le surplombent sauf pour un ou deux vallons perpendiculaires qui concentrent l'essentiel du maigre habitat fait de modestes maisons de bois dans le style des pionniers du far west. Un seul hôtel sur le port, un autre pas encore terminé à mi-chemin, deux ou trois autres à la hauteur du musée, à la limite du village précédent de Nikola. Et deux villas kitsch, style Dysneyland de nouveaux riches m'as-tu-vu. Beaucoup de circulation le long de l'unique artère, c'est le week-end et le tout-Irkoutsk vient se distraire sur sa côte d'azur ! Je parviens à trouver le "Baïkaler 2" derrière le musée, comme tous les autres guest-house en Russie c'est en fait un appartement privé sans aucun signe particulier. Les noms des habitants ne sont pas inscrits devant les portes mais on m'a précisé à quel étage se situe le logement et où il faut chercher la cachette de la clé ! Elle est bien là mais comme il n'y a personne à l' intérieur je repars à la recherche d'un "produkti" pour faire mes courses. Je finis par gagner le village de Nikola sans voir de magasins car j'en loupe deux qui me sauteront aux yeux au retour. Au Baïkaler 2, tenu par un biologiste qui fait aussi office de guide pour les excursions organisées par Jack Sheremetoff depuis Irkoustk, je retrouve Hans, l'astronome de Columbia, qui occupe le lit de la chambre, me laissant un fauteuil-lit étroit et inconfortable. L'autre chambre proposée aux hôtes payants est prise par un couple allemand avec un bébé. L'installation est à la limite du rudimentaire, il fait froid et humide, mais, bon, ce n'est pas tout à fait le goulag ! Je vais casser la croute dehors en observant le coucher de soleil avec Hans, qui, comme son prénom l'indique, est d'une famille d'origine allemande, de Worms précise-t-il. Les proprios ont préparé un repas de champignons pour lui et m' invitent à participer à l'aubaine mais je refuse, craignant d'être à court d'argent rapidement car si j'ai bien pris 1000 Rbl avant de quitter Irkoustk, la nuit ici coûte déja 600 Rbl et il faut encore que je paye le bus du retour ! Il n'y a évidemment aucun distributeur dans les environs. Je devrais même me passer de goûter l'excellent poisson local, l' olmou, dont le plus petit exemplaire est vendu 80 Rbl sur les étals du mignon petit marché du port.

Samedi 9 août 2008

Hans est parti de bonne heure attraper le bateau pour Irkoutsk et de là l'avion. C'est à New York qu'il observera l' éclipse de lune du 16 août prochain dont il nous a obligemment informé de l'horaire exact. Je prends le chemin de la veille vers Bolchoï Koti. Après la plage je rencontre toute une colonie de vacances catholique avec bonnes soeurs et moines, polonais ? ukrainiens ? Plusieurs raidillons escaladent les pentes abruptes qui plongent dans le lac : finissant par des à-pic vertigineux, il me faut rebrousser trois fois chemin avant de trouver le bon sentier, le plus élevé bien sûr ! Je contourne le cap et la vue porte au loin : on devine une échancrure où le rivage s' infléchit. Les navires se dirigent en effet vers ce qui doit être la rade devant Bolchoï Koti. Je regrette de ne pas avoir d'appareil photo car avec ce temps magnifique les troncs tordus accrochés à la falaise donneraient des images splendides sur fond de forêts descendant en cascade vers le rivage. Au délà du cap le sentier se rapproche de la rive, restant cependant toujours cinq ou six mètres au-dessus de celle-ci. Parfois un replat avec une petite prairie est occupé par un groupe de campeurs. Le lac Baïkal est une des premières destinations touristiques de la Russie et le camping est autorisé sur son pourtour avec de nombreux panneaux incitant au respect de la nature et menaçant de copieuses amendes les contrevenants. La pureté de ses eaux est réputée mais je n'apprécie guère le ballet incessant des hors-bords, ni pour le bruit qu'il occasionne, ni pour la pollution causée par le carburant. A mi-chemin de mon but je décide de revenir à Litvianska car je n'aurai pas les moyens de retourner en bateau et le trajet à pied me prendrai trop de temps. De plus, n'ayant pas de tente j'ai peur de souffrir du froid et de l'humidité et préfère m'assurer de la présence à proximité d' un abri éventuel. Il y a par exemple un immeuble en construction juste au départ du chemin, où je pourrais me glisser en cas de mauvais temps. Au dessus de la plage je retrouve le couple d'anglais campeurs rencontré à Irkoutsk. Finalement je passe une nuit impeccable dans mon duvet (prévu pour la haute montagne tout de même !) en observant le spectacle d'un ciel étoilé qui avait déjà séduit Hans les nuits précédentes, avant de m'endormir paisiblement.

                                          Photo de Claude Chapuis                         

Dimanche 10 août 2008

Un petit vent frais m'incite à la grasse matinée. A la station d'autobus c'est la bousculade pour les rares places disponibles : un dimanche après-midi, il fallait s'y attendre ! Mais j' ai eu la chance d'arriver le premier. Il faut absolument que je regagne Irkoutsk et ses ATM, je n'ai plus un radis ! Demain, j'irai à Olkhon. Ce soir je fais du camping sauvage au centre ville, me méfiant surtout....des policiers, dont la présence se fait lourdement sentir autour des gares !

Lundi 11 août 2008

Pas de place dans l'autobus d'aujourd'hui. Il y a bien des minibus, plus cher, mais je ne souhaite pas les prendre car en dehors du prix supérieur, pour voir le paysage il est nettement préférable d' être assis en hauteur dans un bus que coincé sur le siège d' un minibus entre deux passagers. Je réserve donc ma place pour demain et regagne le Baïkaler pour une nuit. J'ai également réservé mon retour d' Olkhon dès le 13 pour ne pas risquer de rester coincé là-bas, étant donné que le trajet demande presque toute la journée. Mais ça ne me laisse que 24 heures de séjour. Bah, si ça vaut le coup j'aurai bien l'occasion d' y retourner !

Mardi 12 août 2008

Départ du bus pour l'île d' Olkhon, plus exactement son village-capitale : KHOUJIR, à 08 heures dix. La route du nord traverse de vastes espaces à peu près plats, parfois un ondulement boisé limite l' horizon. Les champs s'étendent à l' infini, des prairies le plus souvent, couvertes d' une herbe rase. Après une halte juste avant un embranchement qui mène à l'est le paysage change, des dénivellés se creusent, pas encore des montagnes, de fortes collines couvertes de forêts drues mais jamais bien élevées, pas de grands arbres. Puis la végétation se raréfie, une herbe courte broutée par quelques vaches errantes, des collines chauves, ça et là des roches nues et grises. Soudain un énorme rocher surgit du lac : il marque l'emplacement du débarcadère à l'endroit où l'on franchit le court détroit qui sépare l' île du rivage occidental. Aux environs s' éparpillent des ensembles résidentiels, chalets de bois destinés à la location des estivants. On descend du car pendant la courte traversée en ferry. De l'autre côté une bousculade menace de dégénérer en échauffourée à cause de l' impatience de conducteurs prisonniers de l'étroit goulet enserré entre deux parois rocheuses qui limitent l'espace dévolu à la longue file d' attente. Les jeunes touristes polonais montés à Irkoutsk avec d' encombrants vélos nous quittent ici. Une allemande, voyant la marque (suisse) de la bouteille d' eau attachée à ma ceinture me croit également allemand. Elle va loger chez Nick, le seul guest-house du coin, mais moi je n'ai pas les moyens. La route se déroule dans le même paysage d' herbe rase jusqu' à KHOUJIR, à partir d' où la forêt prend le relais. Je répère de nombreux petits bâtiments en bois en construction : je pourrai m' y abriter en cas de pluie, vent ou forte humidité, mais ce ne sera pas nécessaire : il continue de faire un temps magnifique. Je prend un chemin qui me conduit au nord vers une superbe plage de sable fin avec une somptueuse pinède à l'arrière : on se croirait dans les Landes ! C'est là que s' est donné rendez-vous le plus gros bataillon des campeurs, le reste dispersé partout ailleurs dans l' île au gré des emplacements possibles. Un troupeau de vaches se ballade au milieu du terrain. Il y a même des yourtes mongoles proposées à la location. Je reviens vers le centre-ville (!!!) à l' affut d' un endroit pour la nuit. Il y a un café internet, donc l' électricité est parvenue jusqu' ici. Je m'en doutais au vu des pylônes le long de la route d' arrivée, installés récemment puisque le Lonely Planet maintient encore que l' île serait dépourvue de courant électrique. Je découvre une chapelle près du port et plus loin, en haut d' une colline, dominant la vue sur le lac d' un côté et sur le village niché au creux du vallon de l' autre, une batisse en construction me servira d' abri pour cette nuit. Avant de m' y réfugier, je contemple longuement le site sacré des rochers chamaniques au coucher de soleil et les courageux qui osent se baigner dans l' eau glacée comme s' ils étaient sur la côte d' azur !

                                          Photo de Caroline Guillois

Mercredi 13 août 2008

Après un dernier tour au bord du lac et des rochers je reprend le bus. Pas de bousculade aujourd'hui au débarcadère. Il y a des groupes de touristes, un car d'allemands âgés et un autre de coréens semble-t-il. Je reviendrai, c'est promis, et cette fois en bateau, il y en a qui font l' excursion depuis Irkoutsk, ça doit être bien plus agréable que de se farcir toute la route en bus ! Retourné en début d' après-midi je renonce à prendre une nuit de plus au Baïkaler : je n'ai réservé que la nuit de demain, la dernière ici. Je longe donc la rive de l' Angara à la recherche d'un endroit convenable pour étaler mon sac de couchage à l' abri des regards et si possible près d' une toiture en cas de pluie soudaine. Tout le long du fleuve se succèdent des promenades aménagées avec bancs, kiosques, jardins et point de vues et les habitants de la Sibérie, ne pouvant jouir que d' une très courte belle saison, en profitent à plein et le plus tard possible dans la nuit en flânant, papotant, faisant du vélo, du roller ou du jogging. Je découvre un nouveau côté de la ville vers l' hôtel Intourist, ses casinos, ses restaurants animés, au débouché de l' avenue Karla Marxa, et plus haut un îlot entre deux branches de l' Angara où l' on a construit tout un ensemble ferroviaire miniature à la taille des enfants qui le fréquentent, en uniforme, s' il vous-plaît, pour jouer au transsibérien comme de vrai. Derrière les murs je trouve un endroit idéal pour passer la nuit, une pelouse avec des buissons et de grands arbres au bord de l' eau. Heureusement qu' il fait encore bon ! En plein milieu de la nuit, alors que je dormais comme un loir, je me réveille soudain et découvre un spectacle insolite : un clapotis assez fort m' a inquiété et je suis surpris de ne voir personne malgré le bruit, lorsque je réalise, abasourdi, qu' une lumière éclaire la surface de l'eau depuis l' intérieur de l' étang au bord duquel je me suis allongé ! Il me faut un bon moment pour comprendre qu' elle provient de la torche d' un plongeur ! à cette heure ? (deux heures du matin !)  Sans doute un scientifique explorant la vie aquatique nocturne...qui finit par s' éloigner en battant des palmes et me laissant me remettre de ma surprise et achever ma nuit agitée.

Jeudi 14 août 2008

Un dernier tour de la ville et de ses nombreux musées consacrés à son architecture en bois typique ou aux éxilés du temps des Tsars, les Décembristes, qui se construisirent ici des demeures à la hauteur de leur rang pour ne pas trop oublier la vie énivrante de Saint-Pétersbourg au milieu des sauvages bouriates !

Vendredi 15 août 2008

Vite un e-mail à ma petite soeur dont c'est l' anniversaire aujourd' hui avant de remonter dans le train pour 48 heures non-stop jusqu' à Novossibirsk.

Samedi 16 août 2008

Arrivé le soir je me dirige aussitôt vers le parc au bord de l' Ob dans l' espoir d' y trouver un abri plus calme que la salle d' attente de l' immense gare et pour observer l' éclipse de lune signalée par Hans, l' astronome de Columbia University. Je n' en voit que le début, très vite.....éclipsé par de gros nuages. En tout cas, elle n' intéresse désormais plus personne dans cette ville, le parc n' attire que quelques fêtards en goguette ou bien des vagabonds, comme moi ! Mais je plains les locaux qui doivent survivre aussi l' hiver dans ce pays. Il y a de nombreux clochards à Irkoutsk par exemple qui squattent dans les maisons en ruine et près de la gare j' ai vu des gitanes en robes légères, me demandant comment elle pouvaient subsister dans ces régions ?

Dimanche 17 août 2008

Encore une journée passée à attendre. J'aurai dû prendre un billet pour aujourd' hui et non pas demain et commence à m' inquiéter, car je me suis renseigné sur l' horaire du train : on me dit vaguement qu' il arrive à la frontière vers minuit et c' est justement à minuit qu' expire mon visa. Mais je réalise que les horaires des trains sont donnés à l' heure de Moscou et que donc, en fait il sera déjà trois heures du matin le lendemain. Malgré mes tentatives, il ne m' a pas été possible d' avancer la date de mon départ. De plus, je m' aperçois que pour demain j' aurai pu prendre un train qui partait deux ou trois heures avant le mien mais j' avais sélectionné une autre gare d' arrivée car à Alma-aty il y a deux gares différentes, dont l' une au centre-ville et l' autre à cinq kilomètres et je voulais éviter cette dernière.

Lundi 18 août 2008

Le train s' ébranle en début d' après-midi, à mon grand soulagement car je suis pressé de quitter la Russie et ses tracas administratifs. Un russe, âgé de 64 ans me dira-t-il, essaie d' engager une conversation mais son anglais est aussi insuffisant que mon russe. Je crois comprendre qu' il est dans la recherche ou l' enseignement ou bien encore ingénieur chimiste. Il est accroché à son téléphone portable. Le soir tombe, le russe fait une sieste, mouille son pantalon, retéléphone. Il descend lorsque nous arrivons à Barnaul où j' avais d' abord prévu de voir l' éclipse avant de préférer Novossibirsk. C' est la capitale de la région de l' Altaï et de ses montagnes et j' y reviendrai bien volontiers faire des excursions. Pour l' instant, il est onze heure du soir et nous sommes encore loin de la frontière, j' angoisse.

Mardi 19 août 2008

A la frontière, il est quatre heure du matin et mon visa est expiré depuis ce temps. Le policier prend mon passeport et me demande de le suivre au poste. Les fonctionnaires pianotent allègrement sur leurs ordinateurs, prenant tout le temps d' effectuer leurs recherches. Je regarde sans cesse la pendule, espérant qu' ils auront fini avant le départ du train et qu' ils ne m' infligeront pas une amende que je serai bien en peine de payer avec le peu d' argent liquide qui me reste : il n' y a sûrement pas de distributeurs dans ce coin perdu. Enfin, après ce qui m' a semblé une éternité, on me rend mon passeport : Ooouuufff !




Le tortillard reprend sa lente progression, nous sommes maintenant au Kazakhstan, une nouvelle aventure commence. Les vendeurs sur les quais aux arrêts proposent une nourriture plus méridionnale avec beaucoup de tomates et de concombres, j' adore ! Au moment du coucher de soleil le train longe le bord oriental désertique du lac Balkach. Finalement je ne regrette plus d' avoir choisi cet horaire !

Mercredi 20 août 2008

Le Kazakhstan n' est qu' une immense steppe plate, paradis des cavaliers, sauf dans sa partie sud-est, limitrophe de la Chine et du Kirghizistan. C' est là que se situe Alma-aty, son ancienne capitale jusqu' à l' inauguration récente de la nouvelle : Astana, plus centrale. Lorsque nous arrivons au petit matin je me rends vite compte qu' en décidant de prendre comme terminus la gare Almaty I en pensant qu' il s'agissait de celle du centre-ville je me suis encore une fois lourdement trompé : nous sommes en pleine campagne. C' est Almaty II, la gare du centre-ville, qu' il va falloir gagner à présent car j' ai raté la navette. Bah ! Après 48 heures de couchette ça va me faire du bien de me dégourdir un peu les jambes ! Il y a bien sûr de nombreux bus mais d' une part je ne sais pas exactement où je vais, on ne distribue pas de plan à l' office du tourisme, je ne veux pas prendre de la monnaie locale avant de savoir quel budget je dois envisager, au plus serré, et d' autre part, par principe, quand j' arrive dans une ville inconnue je préfère l' apprivoiser à pied, en humant l' atmosphère et en m' approchant par un long travelling avant qui me permet de contempler le cadre en toute tranquillité. Et là pour le coup, le cadre est époustouflant. La ville est étagée au pied d' un cirque montagneux enneigé à mon grand étonnement, en plein mois d' août ! Et les rues sont de longs boulevards à l' ombre d' arbres splendides, formant des quadrilatères cernant d' innombrables jardins. Pour l' immense majorité des habitants de ce pays de déserts monotones, la capitale devait sembler un paradis ! Cependant, bien que le plan en damier me facilite un peu la tâche, je ne dispose pour m' orienter que du vague souvenir d' un plan entrevu à l' occasion de ma préparation bâclée de ce voyage. Je continue donc sur ma lancée jusqu' à ce que j' atteigne les premiers contreforts de l' imposante chaîne au sud de la ville, pensant pouvoir mieux m' orienter grâce à la vue depuis les hauteurs. En effet, je vois mieux, mais ce que je vois me rend perplexe : j' avais escompté discerner le centre-ville en repérant l' endroit où la densité de gratte-ciels était la plus forte et je découvre que deux zones correspondent à ce cahier des charges, une à droite et une à gauche de mon point de vue. Au hasard je choisis d' explorer les quartiers à ma droite (en direction de l' ouest, donc) et dérive assez loin sans rencontrer le but recherché : l' ancienne gare. Je me renseigne donc et demande vers où je dois me diriger pour atteindre celle-ci (en russe : Voksal) On m' indique l' ouest en précisant que c'est très loin. Je continue, marche, marche et finit par m' étonner : on m' indique toujours l' ouest après plusieurs kilomètres. Je n' ai pourtant pas pû me tromper à ce point lorsque je suis remonté depuis la gare en direction plein sud. Le paysage ressemble de plus en plus à celui d' une banlieue et non pas à ce que doit ressembler le centre d' une ancienne capitale. Et quand j' atteins finalement la limite de la campagne je comprends enfin le quiproquo : tout le monde pensait que je cherchais la gare d' autobus ! Puisque j' y suis, j' en profite pour me renseigner car j' avais effectivement prévu de prendre un bus pour Tachkent en apprenant avant de quitter la gare que tous les trains étaient complets pour au moins une semaine (et mon visa de transit ne me laisse que cinq jours pour quitter le pays) Il y a plein de bus pour Tachkent et à des prix intéressants. Les véhicules me donnent l' impression d' être déjà de retour en France : ce sont tous des autocars d' occasion avec encore les inscriptions de leurs premiers propriétaires, majoritairement français, sinon parfois allemands, et je trouve même des autobus marqués "Frossard", la compagnie locale de la Haute-Savoie. Je regagne le centre toujours à pied, car je ne veux pas céder au chantage des chauffeurs de taxi qui réclament une somme (2000 T) presqu' aussi importante que ce coûte le voyage jusqu' à Tachkent (2500 T) et finis par dénicher l' hôtel "Turkestan" à l' exact opposé de la direction que j' avais dabord prise ce matin. Après une bonne douche je visite le marché, tout à côté, et m' achète un copieux repas : je n' avais rien mangé depuis Novossibirsk ! Le Kazakhstan étant un pays de l' ex-union soviétique, demande également à ce qu' on se fasse enregistrer, ai-je lu sur le guide. Je me renseigne à la réception de l' hôtel et on me demande 5000 T pour cette formalité, plus cher que le prix de la chambre ! Mais l' employée me rassure : pour un visa de transit, ce n'est pas nécessaire. Et d' ailleurs j' aurai dû rester un jour de plus avant qu' on ne me rende mon passeport tamponé. La réceptionniste me confirme également que le prix d' un taxi pour la gare routière ne devrait pas dépasser 500 T.

Jeudi 21 août 2008

Comme les chauffeurs de taxi débutent le marchandage à 1500 T, je n' insiste pas : j' ai tout mon temps, le bus ne part qu' à 18 heures. Je connais l' itinéraire mais me trompe en montant vers les montagnes plus que nécessaire. Le bus coûte un peu plus cher qu' indiqué hier : on me demande 3000 T au lieu de 2500 T, sans doute pour les bagages. Nous partons avec une heure de retard après avoir attendu un passager pour je ne sais quelle raison : je ne parle pas le kazakh. J' ai une crainte en voyant sur la carte que la route principale que nous suivons traverse le Kirghizistan. Je n' ai pas de visa. Mais finalement le bus prend la route secondaire plus au nord après une bifurcation juste devant la frontière : je suis soulagé. D' ailleurs j' avais bien demandé avant de partir si la route passait par Bishkek et l' on m' avait affirmé que non, mais dans ces pays-là on n' est jamais à l' abri d' une surprise comme je m' en rendrait compte demain. Mais n' anticipons pas. Pour l' heure je suis coincé sur mon siège inconfortable par l' imposante carrure de mon voisin, un ouzbek sympathique mais envahissant. La nuit tombe sur un paysage de steppes désertiques vallonnées.

Vendredi 22 août 2008

Surprise au petit matin, le bus s' arrête au milieu de nulle part, tous les passagers descendent et s' arrachent deux ou trois taxis postés là en embuscade. On m' intime l' ordre de descendre moi aussi : le bus ne va pas plus loin. Pourtant l' écriteau au dessus du chauffeur mentionnait bien "Tachkent" en toutes lettres. Je suis consterné et furieux car il y a encore une dizaine de kilomètres avant la frontière, au sud de laquelle se trouve la capitale de l' Ouzbékistan, tout près à vol d' oiseau. Dans mon désarroi j' en oublie de prendre mes deux gourdes et un sachet contenant mes affaires de toilettes. J' avais pris juste assez d' argent pour un casse-croûte en cours de route puisque je pensais arriver directement et n' estimais pas nécessaire de m' encombrer d' argent kazakh que j' aurai dû changer ensuite à perte. Je n' ai donc plus que 800 T alors que les taxis réclament 5000 T pour gagner la frontière voisine, un vrai guet-apens. Et je n' ai plus un euro ou un dollar en poche ! Au milieu du désert il n' y a évidement pas de distributeurs automatiques non plus. Je suis coincé, il faut que je gagne la frontière à pied, et lorsque je vois le bus revenir en sens inverse après avoir été faire demi-tour un peu plus loin je lui fait de grands signes afin qu' il stoppe un instant et que je puisse récupérer mes gourdes. Hélas, il feint de m' ignorer et manque de m' écraser au passage. Je chemine en direction du sud, la chaleur est déjà forte, la route très fréquentée et quelques conducteurs me font signe mais dès qu' ils s' arrêtent je comprends qu' il le font dans l' espoir de me soutirer des dollars, vingt au minimum. Au premier croisement je trouve une boutique où je peux acheter de l' eau et me renseigne sur la distance qui me sépare de mon but. Mais si on me confirme l' existence d' un poste à sept kilomètres d' ici, on m' assure également que je ne peux pas passer par là car il est réservé au passage des locaux, qui n' ont pas besoin de visa. Pour entrer en Ouzbékistan avec un visa, il faut utiliser les postes principaux dont le plus proche est au sud de la ville la plus proche, Sariag' ash, à vingt kilomètres ! Bon, j' ai pû acheter de l' eau, ça va aller. Au début les bas-côtés sont plantés de maigres arbres qui fournissent un peu d' ombre. Mais au fur et à mesure que j' avance la chaleur devient de plus en plus forte et le paysage de jardins cède la place au désert aride. J' ai du mal à imaginer que Taschkent et ses jets d' eaux sont quelque part au sud à moins de cinq kilomètres, alors qu' en me tordant le cou sur les hauteurs je n' aperçois qu' une étendue caillouteuse sans le moindre buisson de part et d' autre de la chaussée. J' arrive à la limite de la déshydratation, ayant depuis longtemps bu ma bouteille d' une eau presque bouillante, dans la ville où je me renseigne aussitôt sur la direction de la frontière après avoir toutefois vidés deux bons litres de jus de fruit. Et là, re-catastrophe ! La route qui conduit au sud est en travaux et par conséquent, le poste douanier est inaccessible ! Mais on me rassure : il y a un autre poste, au sud-ouest, à peine cent kilomètres plus loin ! Je frise la crise de nerfs mais me reprend bientôt avec espoir : la ville où je suis, au nord de Taschkent, est le point de passage de la voie ferrée : si j' avais pû prendre le train, c'est par ici que je serai passé. Il doit donc bien y avoir une gare. Il y en a une, en effet, que j' atteins par des chemins où je m' enfonce jusqu' à la cheville dans la poussière, c' est même la gare frontière et les trains s' y arrêtent plusieurs heures. Au guichet on me dit que je ne pourrai prendre mon billet que demain lorsque le train (quotidien) sera arrivé. Je passerai la nuit à la gostinitza voisine dont la clientèle est exclusivement faite des militaires et douaniers affectés à cet endroit. L' un d' eux me conduit obligeamment à la banque. Je dois payer ma nuit (1000 T) et mon billet pour Taschkent (plus de 1000 T) je tire 3000 T à l' ATM. Je veux payer une bière à mon chauffeur improvisé mais c' est lui qui insiste pour m' en offrir une. Dans ce pays où le pétrole coule à flots c' est l' eau qui est une denrée rare. Sur la terrasse devant la gostinitza l' unique robinet duquel s' échappe péniblement un mince filet d' eau sert de salle de bain commune. Un jeune douanier engage la conversation pour tester son anglais rudimentaire. Il me réclame comme souvenir de Paris, du parfum. Sans doute imagine-t-il que j' en transporte une caisse dans mon sac à dos ?

Samedi 23 août 2008

Je suis dans le hall de la gare dès potron-minet mais cela ne sert à rien, (à part bénéficier de la clim) les billets ne sont vendus qu' après l' arrivée du train, à midi passé. Ensuite il faut attendre que les autorités aient procédé aux formalités avec les passagers dans le train avant qu' elles daignent s' occuper de l' individu apparement paumé dans cette zone au statut de no-man's land : moi. Je revoie le jeune policier de la veille qui insiste pour obtenir du parfum français ( c'est un bon coup pour tomber les filles, au Kazakhstan) et je lui demande son adresse, promettant de lui envoyer un flacon dès mon retour. Deux heures plus tard, je monte enfin dans le train et je me fait l' effet d' un détenu entrant dans une cellule bourrée en percevant tous les regards braqués sur moi, étrange étranger qui monte dans le train juste avant la frontière, un train bondé de travailleurs ouzbeks rentrant au pays et flouant les douaniers en cachant roubles et marchandises dans tous les recoins du compartiment.




Après une nouvelle attente de deux heures, du côté ouzbek cette fois-ci, le train achève son parcours de dix kilomètres dans la gare flambant neuve de Taschkent. Je ne parviens pas à trouver un bankomat ou un bureau de change (pour les 500 T qui me restent). "Essayons la gare d' autobus" me-dis je après avoir consulté un plan de la ville, car pour une fois, j' en ai un ! Quelques kilomètres plus loin, je déchante : ce qui est soi-disant une gare d' autobus est en fait un hangar-abri au milieu d' un terrain (presque) vague ! à cette heure tardive il n'y a d' ailleurs personne et sûrement pas la moindre boutique, encore moins un bankomat ou un changeur. J' ai perdu un temps précieux à venir jusqu' ici, il faut vite que je regagne le centre, la nuit tombe. Bigre, que vais-je faire maintenant ? Je n' ai pas bu depuis ce matin et mon sac pèse de plus en plus lourd sur mes épaules. Un coup d' oeil sur mon plan me permet de répérer une "église luthérienne allemande". Sauvé, je parle allemand et dans une église il y aura sûrement quelqu' un pour m' aider ce soir. Oui mais voilà, ce monument date de l' époque des Tsars et ça fait plus d' un siècle qu' il a vu son dernier service divin ! Le gardien me laisse quand même entrer et boire de l' eau au robinet. Je tourne en rond dans le centre, il n' y a que des grands hôtels et les banques sont fermées. Bah, en venant j' ai remarqué un grand parc public avec un bassin où des gens se baignent : parfait pour passer la nuit et faire sa toilette au matin. Cependant, pas question de boire cette eau !

Dimanche 24 août 2008

J' ai un peu perdu la notion du temps et me crois encore samedi : c' est pourquoi je me mets en quête d' une banque et m' étonne qu' elles soient toutes fermées. Je finis par me décider à franchir la porte d' un palace, à la recherche d' un distributeur, malgré mon accoutrement de routard poussiéreux, et introduit ma carte. Mais la machine, si elle accepte ma visa, refuse de me donner le moindre argent. La réceptionniste, ignorant autant que moi que nous sommes dimanche, me dirige vers le gratte-ciel de la banque nationale NBU à trois kilomètres. Tout le long de la route je constate que tout est fermé ou presque, la banque aussi, d' ailleurs c' est le siège....qui semble en état de siège, entièrement entouré d' un haut grillage. Même un jour normal, comment fait-on pour entrer là-dedans ? A côté se trouve l' hôtel Intercontinental. Le concierge, à qui j' ai demandé le bankomat me le désigne, visiblement offusqué de mon audace de backpacker. Mais l' engin ne fonctionne pas davantage que ses collègues. En revenant vers le centre j' essaie encore l' hôtel Radisson mais le concierge déplore qu' on ait supprimé leur bankomat. Mes pas se font de plus en plus petits lorsque j' aperçoit soudain un bâtiment qui avait échappé à ma vigilance à l' aller : le "Goethe Institut". Hourrah ! cette fois-ci il ne sera pas possible qu' il ne s' agisse plus que d' un musée. Pourtant la grille est fermée. De l' autre côté, le gardien me demande ce que je veux : parler à quelqu' un en allemand, avoir des informations. Il me dit de revenir demain. "Mais demain c' est dimanche !" je m' écrie. On me détrompe et j' explique mon problème : je n' ai pas d' argent local, seulement 500 T du Kazakhstan dont personne ne veut, impossible d' acheter même seulement une bouteille d' eau. Le gardien compatissant me conduit à la cuisine pour boire l' eau du robinet puis téléphone dieu sait où afin de connaître les cours du change pour enfin me verser une liasse de billets ouzbeks en échange du mien. Je me rends à l' hôtel Ouzbékistan et après avoir testé leur bankomat, toujours en vain, me renseigne sur le prix de la chambre : 70 $ en single, mais pas de disponibilité aujourd' hui. De l' autre côté d' un grand parc j' atterris au " Grande Plazza" (sic!) dont le bankomat n' est pas plus complaisant que les autres et me décide à prendre une chambre à 80 $ puisque je pourrais payer avec ma visa et mettre mes repas sur la facture, en attendant l' ouverture des banques demain matin. Après un bain délicieux je pars en reconnaissance, le quartier environnant est celui des ambassades, je situe celle de la France, puis rejoint la gare pour me renseigner sur les horaires et tarifs pour Samarkande en 3° classe : 8000 sum (= 4 €!) Je rencontre là trois jeunes allemands qui possèdent un Lonely Planet que je demande à consulter. Enfin, je désespérai de trouver des autres voyageurs, pas un depuis Almaty où je n' avais pas engagé la conversation d' ailleurs. Je peux lire quelques infos et j' ai déjà un plan. Nous allons au café internet près de la gare puis prenons le métro pour le marché et ensuite le labyrinthe des ruelles de la ville ancienne au nord, dont il ne reste pas grand chose après le terrible tremblement de terre de 1966 qui a complètement rasé cette malheureuse cité. Des cigognes campent sur les prés devant les medressas et mosquées. On leur a construit des petites huttes et posé des bassins en plastiques avec eau et nourriture. Je laisse mes trois amis allemands rentrer à leur hôtel en taxi tandis que je reviens à mon palace en traversant la ville neuve faite d' interminables avenues ombragées séparant de gigantesques esplanades et de profonds bassins rafraîchissants aux puissants jets d' eau. Il est loin le souvenir de la steppe désertique d' il y a à peine 48 heures. Taschkent bénéficie du réseau hydrographique de la chaîne montagneuse située au nord-est, mais sa consommation est disproportionnée aux ressources pour des raisons essentiellement de prestige. Tranquille, je commande un excellent diner au room-service.

Lundi 25 août 2008

Après un réconfortant petit déjeuner américain je laisse mes bagages à l' hôtel dont le bankomat ne fonctionne toujours pas et me met en quête d' une banque. La première ne traite pas les cartes bancaires. A la seconde je poireaute deux heures en paperasseries avant que nous nous dirigions vers un autre bâtiment à l' extérieur. On rebranche le terminal lecteur de carte qui ne paraît pas avoir été utilisé depuis des mois et refuse résolument de lire les données de ma carte. Il faut appeler un technicien et lorsque celui-ci a réparé la ligne...consternation : ma carte est refusée, inexplicablement. Cette fois je suis désespéré. Après avoir essayé une dernière fois le bankomat du Grande Plazza je me résoud à gagner l' ambassade de France où j' attends l' ouverture des services consulaires à 15 heures afin d' expliquer mon problème : je n' ai pas d' autres ressources que mes cartes bancaires. Le consul me reproche de ne pas avoir consulté le site internet de l' ambassade avant mon voyage : j' aurai été prévenu des problèmes financiers en Ouzbékistan et j' aurai dû venir avec une ample provision d' argent liquide. La semaine précédente un couple a rencontré le même problème et ça c' est arrangé. Ils ont été à l' agence de la NBU voisine. Je m' y rends donc. Après la pause paperasserie habituelle on me conduit dans une salle où l' employée utilise un téléphone. Cette fois on me donne l' explication de l' échec : il n' y a pas de liaison avec le réseau. Il faudra revenir demain. Je remarque un jeune couple allemand qui, eux aussi, attendent de pouvoir tirer de l' argent avec leur carte. Anne me propose spontanément de me prêter 10 $ (13 000 sum) pour me dépanner. Je suis très touché. J' accompagne Anne et Hans, son ami, en ville. Hans souffre de la tourista. Ce sont de grands voyageurs comme moi et nous sympathisons. Demain, c' est l' anniversaire de Anne. Je prends son adresse en Allemagne mais oublie de noter celle de leur hôtel, croyant pouvoir le trouver facilement. Je repasse au Grande Plazza prendre mes bagages. La gouvernante me dit avoir été deux jours à Paris, en groupe. Je reprends le chemin du parc où j' ai passé ma première nuit à Taschkent : je n' ai pas les moyens de rester plus d' une nuit dans un palace, même au tarif ouzbek !

Mardi 26 août 2008

Au réveil ce matin je retrouve les russes âgés autour du bassin-piscine. Le parc est bordé d' immeubles résidentiels occupés semble-t-il par une population russe, nombreux dans cette ancienne colonie de l' ex-URSS et toujours actifs pour surveiller les intérêts de la mère patrie. Mais je ne m' attarde pas et gagne la succursale de la NBU aussi vite que possible. Le matin du quatrième jour de ma présence en Ouzbékistan je peux retirer 150 $ avec ma carte visa, ça marche enfin ! J' ai déjà compris en voyant mes amis allemands photographier les épaisses liasses de sum ( la monnaie de ce pays) 130 billets de 1000 sum pour 100 $ le problème des distributeurs automatiques : le premier qui s' en sert raffle toute la disponibilité de la machine même s' il se contente d' une petite somme. Et de toutes façons les banques doivent trouver trop coûteux de les approvisionner. Mais si la dénomination la plus élevée est le billet de 1000 sum alors qu' on ne peut rien acheter en dessous de 200 sum, une bricole, une glace par exemple, c' est que le problème est politique. Procéder à une dévaluation et émettre des billets de plus grande valeur serait une humiliation pour le potentat local m' a-t-on laissé entendre. Ce pays, comme je m' en suis rendu compte dès que je suis monté dans le train à la frontière, est sous l' emprise d' un contrôle des changes tatillon et procédurier. Chacun se promène avec tant de billets qu' il ne peut les mettre tous dans sa poche et utilise donc des sacs pour les dépenses importantes, ce qui me fait songer aux images de l' inflation en Allemagne en 1923. Je décide de retrouver Hans et Anne dont c' est l' anniversaire aujourd' hui et traverse toute la ville avec mon sac sur le dos. Mais je ne parviens pas à situer leur hôtel aux environs du cirque, près du marché, dans le quartier des routards. D' ailleurs ils ne m' ont certainement pas attendu ! Je retraverse donc tout Taschkent pour aller à la gare où je prends un billet pour Samarkande, inquiet d' avoir constaté que sur mon plan la voie ferrée passe dans une partie du territoire du Kazakhstan. Les frontières de ces pays issus de l' ex-URSS ont été découpées suivant le tracé des anciennes provinces et routes et voies ferrées les croisaient et recroisaient sans soucis à l' époque. Mais n'ayant pas pris un visa à plusieurs entrées je ne peux pas quitter le pays et y revenir après un court trajet ! Heureusement le train ne s' arrête pas durant son passage et donc aucun visa n' est nécessaire, ce qui n' aurait pas été le cas pour la ligne qui rejoint Termez au sud en passant par le Turkménistan. Le train arrive à Samarkande aux environs de minuit et je choisis de rester dans le hall de la gare jusqu' au matin pour épargner une nuit d' hôtel.

Mercredi 27 août 2008

Réveillé par les policiers qui surveillent la gare, je marche en direction du centre-ville à cinq kilomètres et découvre la silhouette fabuleuse du Registan qui se découpe de l' autre côté d' un petit ravin, depuis une esplanade me permettant un point de vue unique sans rien d' anachronique ou d' intempestif pour me gâcher le plaisir de cette révélation soudaine. J' en fait le tour lentement puis parviens dans les rues plus touristiques où je demande à trois italiens de pouvoir consulter le "Lonely Planet" qu' ils tiennent à la main afin de rafraîchir ma mémoire avec un plan où je puisse situer l' hôtel "Antika" qui me semble le plus intéressant. Après la longue exploration d' un quartier labyrintique je finis par dénicher la magnifique maison aux allures d' ancien caravansérail entourant un charmant jardin intérieur où je suis accueuilli par Johnny qui me demande si j' ai réservé : non. Il n' y a plus de chambre disponibles mais il me propose de dormir sur la terrasse pour 12 $ (petit déjeuner compris). Je prends 4 nuits car l' endroit, en plus de son charme certain, est tranquille et surtout il y a une douche avec de l' eau chaude. La patronne s' étonne de voir le cachet du "Grande Plazza" à 80 $ la nuit sur la fiche qui sert à l' enregistrement (obligatoire dans ce pays comme dans tous les autres ex-communistes) et après mes explications sur la raison de cette dépense somptuaire me demande si je payerai ce prix également ici si elle acceptait la visa ! Je retrouve là mes trois allemands de Taschkent  arrivés depuis deux jours et repars à la découverte de cette cité mythique, évocatrice des légendes des "Mille et une nuits" et qui tient une des premières places dans le subconscient et le conscient tout à la fois des immenses rêveurs impénitents que nous sommes sur cette planète mystérieuse qu' est la notre : la Terre.



                                          (photos de Caroline Guillois)
Vendredi 29 août 2008

Les voyageurs ne passent guère plus de deux ou trois jours à l' Antika et les visages et personnalités changent régulièrement. L' un d' eux est un français qui prépare une thèse sur les minorités ethniques (il parle l' ouzbek et le tadjik) et enseigne à Sciences-Po. Ce matin j' ai la tourista sans doute dûe à la crème glacée ingurgitée hier soir, pas vraiment méchante et c' est tant mieux car après avoir erré dans les ruelles de l' ancien quartier juif je m' élance à travers le plateau parsemé de tertres, tout ce qui reste de la véritable Samarkande, celle d' Ibn Sina (Avicenne) entièrement détruite par les hordes mongoles de Gengis Khan. J' y cherche un endroit appelé "la tombe de Daniel" que je ne trouve pas. Je pense aller vers l' observatoire d' Ulug-beg et la station de bus pour Boukhara qui en est voisine mais encore une fois j' ai pris une mauvaise direction et arrive au but après un détour de dix kilomètres jusqu' à la rivière au nord puis à l' est une immense gare avec des hangars rouillés et des terrains vagues à perte de vue. Le tarif pour Boukhara est de 5000 sums, je partirai dimanche soir pour économiser une nuit d' hôtel. Devant l' observatoire stationne un car de touristes américains âgés et essouflés par les trois ou quatres marches, accablés par la chaleur. Le soir je dine d' un "lagman" au restaurant en face du Registan avec Steven, écossais avec la bougeotte. De retour à l' Antika un jeune couple français m' invite à prendre part à leur excursion de demain à Sahrisabz, la ville natale de Timour Lenk (Tamerlan) à 70 km au sud.

Samedi 30 août 2008

Après le petit déjeuner, avec Arnaud qui est conseiller à l' ambassade de France à Moscou et son épouse, Caroline, nous rejoignons le chauffeur et sa voiture pour une première étape à Urgut dont le marché est réputé, surtout celui du dimanche c' est à dire demain, hélas. Mais j' achète quand même une livre de raisin. Les fruits et légumes de ce pays sont absolument succulents grâce au soleil en abondance et ont une qualité inconnue en Europe. Je ne me souviens pas d' en avoir goûté de meilleurs depuis mon enfance.



                                          (photos de Caroline Guillois)
Nous grimpons ensuite les pentes de la montagne voisine pour atteindre une mosquée vénérable à l' ombre de grands platanes millénaires. Une médressa est située dans une cavité creusée entre les racines de l' un d' entre eux, sensée pouvoir contenir quarante étudiants. Plus loin jaillit une source d' eau pure au délà de laquelle le djebel aride reprend ses droits. Caroline prend des photos des enfants et je donne mon stylo à une petite fille.




                                         (Photos de Caroline Guillois)

La source a permis la croissance de ces grands arbres mais dès que nous descendons la route nous constatons que les bords du ruisseau sont jonchés de détritus divers. Puis nous prenons la route du col. Au passage je constate qu' un endroit s' appelle Ibn Sino ! Dans la montée Caroline demande au chauffeur de s' arrêter pour pouvoir prendre une photo, malheureusement en face d' une fontaine autour de laquelle attendent en embuscade une floppée de vendeurs de pommes et yaourts aux herbes dont ils nous versent d' autorité un large bol malgré nos refus et avant qu' on ait eu le temps de discuter le prix : bien entendu l' addition est aussi salée que le yaourt, 1000 sum pour un bol. J' aurai voulu éviter le risque de boire dans un bol lavé et relavé dans l' eau de la source mais mes deux compagnons avaient déjà été piégés et je ne pouvais plus me dérober. Nous atteignons ensuite le col de "Tahtaqaracha" à 1788 mètres d' altitude d' où la vue s' étend vers la plaine embrumée de chaleur. Je profite de la pause pour demander à Arnaud ce qui l' a motivé pour étudier le russe et il me répond que c' est ...à cause de la carte scolaire ! Mais il s' est par la suite vraiment pris d' affection pour les russes. Avant Moscou il a été en poste à New York.




La ville de Sahrisabz, la plus proche du site de naissance de Tamerlan, est semblable à Samarkande, en plus petit et plus modeste sauf en ce qui concerne l' arche monumentale de l' ancienne porte du palais, effondrée en son milieu ce qui lui donne l' aspect de deux tours jumelles, sur lesquelles on peut monter pour 1500 sum et risquer de se rompre le cou. Il y a aussi un pan de murailles et quelques petites mosquées avec coupoles azurées et un ancien établissement de bains, sans faïences.






                                         ( Photos de Caroline Guillois)
De retour à Samarkande je constate que la ville est en effervescence, se préparant pour la fête nationale, lundi prochain. Cependant tous les commerces continuent leur activité habituelle. Au café internet j' envoie un mail à l' adresse donnée par Anne pour la prévenir de ma présence ici aujourd' hui et après demain à Boukhara car il faut que je la retrouve pour lui rembourser ses dix dollars. Je bois une bière avec George, autre grand voyageur sujet de sa gracieuse majesté, qui soigne une turista très sévère. Il est venu par la Russie également mais a surtout tenu à éviter de prendre le transsibérien. Je lui raconte mes déboires à la frontière. Il a étudié la biochimie avant de se tourner vers...le droit, et voyage en attendant de poursuivre des études et faire des stages en Italie, à Lyon, en Espagne, etc...

Dimanche 31 août 2008

Ce matin je lie conversation avec deux français qui viennent d' arriver. L' un d' eux a un visage que je suis sûr d' avoir déjà vu quelque part : en effet, c' est Roland, un pilier d' ABM. Le monde est décidément petit....pour les abmistes ! Il voyage avec un équipier de Metz et c' est parce que j' avais entendu ce dernier s' exprimer dans un allemand très scolaire avec une des femmes de la maison que je m' étais rapproché d' eux. Nous échangeons nos impressions et Roland me donne un plan de Boukhara dont ils viennent et qui ne lui servira plus. Nous nous reverrons à Paris à la fin du mois pour le festival des globe-trotters. Je fais la sieste jusqu'à 16 heures trente puis me dirige vers la gare d' autobus d' Ulug-beg. En cours de route deux jeunes filles me demandent si je veux bien venir à la maison de l' une d' elles, juste derrière le mausolée de Bibi Khanoum. Son père est négociant en noix et tapis et a déjà été en Espagne pour affaires. La maman de Sitora, Salima, n' a jamais voyagé quant à elle. Même pour la classe aisée la vie est assez difficile en Ouzbékistan. Sitora m' a invité surtout pour pouvoir pratiquer son anglais et m' offre à manger et à boire en abondance. Des membres de sa famille me dit-elle, l' une a échoué en Corée où elle semble malheureuse, d' autres en Angleterre et à Baltimore, aux USA, où elle rêve de se rendre. Elle va aussi étudier le français comme seconde langue après l' anglais (ceci bien sûr sans compter le russe, le tadjik et l' ouzbek) n'aime pas l' histoire et la littérature et se passionne en revanche pour les mathématiques ce qui me semble contradictoire avec sa vocation puisqu' elle entre à l' université pour étudier la diplomatie ! Elle se montre presque consternée quand je lui dit que je n' ai pas d' enfants. Je les quitte sans attendre que le père que je n' ai pas rencontré émerge de sa sieste. A la station Ulug-beg, un bus s' arrête et je négocie une place pour Boukhara. Une nouvelle fois je constate que le bus ne va pas jusqu' à la destination affichée, mais au moins cette fois-ci les passagers restants après l' essaimage tout le long de la route sont transférés dans un mini-bus qui parcourt les cinquante kilomètres finaux à tombeau ouvert. Le chauffeur est un énergumène agité qui m' inquiète beaucoup, mais nous arrivons intacts à bon port, c' est à dire à six kilomètres au nord de la ville, vers minuit. Je reprends mon sac à dos et marche tranquillement, régulièrement interpellé par les chauffeurs de taxi en quête de clients. Finalement la route principale butte sur un périférique au-délà duquel commence un labyrinthe de rues poussiéreuses et peu éclairées, un vrai coupe-gorges où j' ai bien du mal à m' orienter avant de parvenir au centre-ville qui m' émerveille tout de suite par un cachet d' authenticité inimitable. Ici, point de faiences fastueuses ni d' alignements à perte de vue comme à Samarkhande. Les bâtiments modestes en brique de terre, avec quand même de ci de là quelques façades émaillées et dômes bleus turquoise, se groupent autour du bassin central où barbotent des oies en couple et les terrasses des restaurants se nichent au bord à l' ombre des grands arbres pluri-centenaires comme si rien n' avait changé depuis des siècles, depuis l' époque du héros local, le sage (et très loufoque) Nazriddan Nafrouz dont la statue orne la place voisine avec celles de quelques chameaux et cela me fait songer que je n' en ai pas encore vu un seul dans ce pays depuis mon arrivée. Où sont-ils donc passés, faut-il aller au milieu du désert pour trouver les rescapés de l' ére automobile en voie d' extinction complète ? Et bien sûr la cité qui s' étend depuis ce noyau fourmille de mosquées, de madrassas, de hammams, de caravansérails et bazars aux allées couvertes où il fait bon flâner et marchander à l' abri de la chaleur torride du jour, énivré de couleurs et de parfums. Chaque coin de rue semble recéler un trésor inattendu. Boukhara a aussi été un centre de population juive avec des synagogues et un grand cimetière israélite, et je m' aperçoit que l' Ouzbékistan continue de cultiver ses contacts avec Israel.

Lundi 1° septembre 2008

Aujourd' hui, c' est la fête nationale de l' Ouzbékistan, mais à part les foules endimanchées dans les parcs et quelques administrations fermées on ne remarque pas d' agitation particulière. Après une tentative au Mubinson, signalé par le Lonely Planet comme étant l' endroit le moins cher, mais qui m' a paru vraiment trop délabré et où d' ailleurs personne ne s' est manifesté à mon entrée, je choisis de descendre au "Nazriddan Nafruz" pour 10 $ par jour (cependant la patronne me prends 1400 sum pour un $ au lieu de 1300 qui est le cours officiel). Je passe l' après-midi à parcourir la ville ancienne jusqu' au grand parc à l' ouest où je mange un "hot dog" local. L' artisanat produit de bien plus belles choses que ce que j' ai pû voir ailleurs jusqu' à présent., notament ces chapeaux de fourrure dits "Karakul" du nom d' un village proche, faits de peaux d' agneaux morts-né, appelés aussi " Astrakhan" et que je n' avais pas retrouvés depuis mon séjour en Afghanistan, en 1973. Beaucoup de vendeurs parlent français, il y a une école française dans la vieille ville : j' avais déjà noté à Samarkhande la présence d' un centre culturel français. Je constate éffaré que la gare est à 12 km : moi qui voulait prendre le train pour retourner à Tachkent ! Je serai obligé de prendre un taxi.

Mardi 2 septembre 2008

Après avoir fait le tour de la forteresse de l' Ark je me décide de faire une halte dans un salon de thé et dès l' entrée je reconnais les deux seuls touristes attablés : Anne et Hans, qui, eux, ne me reconnaîssent que lorsque je m' assied devant eux. Je peux enfin rendre ses 10 $ à Anne et partage le reste des trois théières et nombreuses sucreries offertes aux clients. La surprise a été totale car Anne n' a pas encore lu mon dernier mail. Demain ils iront à la frontière du Turkménistan demander un visa de transit, puis continueront sur l' Iran et la Syrie : ils ont rencontré ici un guide syrien et ont déjà pris rendez-vous. Ils finiront par la Turquie où ils se sépareront, Hans retournant en Allemagne tandis qu' Anne gagnera Madrid où elle habite. Ils m' invitent à manger pour ce soir. Il fait une chaleur assommante et je passe le restant de la journée à somnoler. Nous nous sommes donnés rendez-vous à 20 heures devant la statue de Nazriddin Nafruz. En chemin vers le marché je tombe sur Steven, l' écossais, puis le soir venu, attendant mes deux allemands, j' aperçois Steven et George attablés au retaurant "Lyab I-Haouz" qui n' est finalement pas trop cher malgré sa situation. Nous finirons par y atterrir après deux essais infructueux ailleurs, car mes amis étant végétariens le choix était assez réduit. Ils avaient déjà mangé là la veille, mais avaient été tellement enchantés par la variété des plats et du plateau de salades qu' ils n' ont pas résisté longtemps à la tentation d' y revenir. Après ce repas nous nous séparons pour de bon. Peut-être pourrais-je les revoir en France l' année prochaîne ?

Mercredi 3 septembre 2008

Le petit déjeuner que je prends en compagnie de trois jeunes tchèques est chaque jour moins copieux. Je me rends à la NBU pour tirer de l' argent avec ma carte visa et l' on me dit qu' il faut aller à l' hôtel "Boukhara Asia" dans la vieille ville dont je viens et où je retourne donc. Dans l' hôtel**** où le concierge s' étonne que je ne sois pas client, je retire 150 $ et en change 100, ne sachant où ranger les épaisses liasses. Je repasse devant la forteresse mais c' est jour de fermeture. Je visite néanmoins (gratuitement) l' intérieur, séjour de l' émir de Boukhara, pittoresque mais délabré. Puis je fais quelques emplettes au bazar, une toque de karakul négociée à 10 000 sums, soit 5 € et des babioles souvenirs, mais je regrette de ne pouvoir mettre près de 100 € dans un superbe collier d' argent serti de lapis-lazuli, turquoise et corail que j' aurai bien voulu pouvoir offrir à ma mère à mon retour. Je fais quelques kilomètres vers l' est dans l' espoir de trouver des mausolées fameux, mais en vain. Le soir venu, je dîne dans un restaurant à l' air branché, sur la terrasse en haut du toit. Je demande au serveur très stylé s' il y a une école d' hôtellerie ici, mais il me dit qu' il a appris dans les livres ! et avec un ami américain, quand même. Heureusement, le cuisinier ne semble pas avoir appris son métier dans les livres, lui, aussi bien pour la qualité des mets que pour la présentation, digne de la "Nouvelle Cuisine". Ce soir un petit vent rafraîchit considérablement la température, en ce début de ramadan.

Jeudi 4 septembre 2008

Finalement, je me suis décidé à poursuivre jusqu' à Khiva. Je me rends à la gare d' autobus mais il n' y en a pas pour Urgench, il faut aller plus loin au nord, au départ de l' embranchement de la nationale A 380, là où le minibus nous avait déposé à l' arrivée à Boukhara. Je négocie mon passage (15 000 sum) Un peu après le départ, à un check-point le policier de faction refuse de laisser passer le minibus. Le chauffeur n' a t-il pas payé ses taxes pour l' usage de la route ? En tous cas, nous devons emprunter une piste poussièreuse et cahotante, encombrée de troupeaux de chèvres, moutons et ânes dont nous dérangeons la tranquillité, le long d' un canal d' irrigation parallèle pendant plusieurs dizaines de kilomètres avant de rejoindre un pont qui nous ramène sur la route principale juste avant d' arriver à Gazli. Je m' abstient de manger à la halte et les deux musulmans fervents qui sortiront leur tapis de prière deux fois durant le trajet me demandent si je suis moi aussi musulman. Je me contente de respecter les coutûmes locales, mais en fait, eux seuls pratiquent le jeûne rituel, tous les autres passagers mangent et boivent (ce qu' ils ont d'ailleurs le droit de faire, puisque les voyageurs en sont dispensés, tout comme les malades ) Une petite femme rigolote s' amuse à mes dépends : "ce soir, Jean-Claude, beaucoup de whisky" me susurre-t-elle, hilare. Je lui réponds : qu' allez-vous penser là ! Moi, saoûl au whisky : aucun risque, je ne bois....que de la vodka. Mais il vaut mieux que je m' abstienne de tout alcool car hier j' ai dégusté un verre de l' excellent "Omar Khayam" local à la boutique "Wine Tasting" de Djamal Akharov et si le vin était bon, j' ai néanmoins ressenti quelques effets néfastes dûs à l' alcool, certainement. Peu avant d' arriver à Urgench et avant de traverser l' Amou-Darya, un lit de vase plutôt qu' un fleuve, j' aperçois trois chameaux, les seuls que j' aurai vu de tout mon voyage à l' exception du quatrième, celui de corvée pour les photos de touristes à Khiva. Sitôt parvenus à Urgench, la petite rondouillarde me prend en otage car elle a besoin d' un quatrième passager pour le taxi jusqu' à Khiva, ne me laissant pas le temps de me renseigner pour mon départ suivant dans deux jours. Il fait nuit noire et la petite dame à donné instruction au chauffeur, comme je suis le dernier à rester dans la voiture après que tous les autres passagers soient arrivés à bon port, de me conduire au grand hôtel local, tout à fait hors de mes moyens. Je descend donc avant et heureusement je vois la muraille qui ceinture la vieille ville où je pense trouver des BB à 10 $ la nuit. C' est effectivement le cas, un premier est complet mais on m' indique un peu plus loin le "Ganijon Afandi" où personne ne m' attend à cette heure tardive. Je parcours ensuite les rues sans éclairage à la recherche de quelque chose à manger. Le ciel étoilé se laisse apercevoir entre les hauts murs sombres et le murmure des croyants rassemblés pour la prière du soir s' échappe de la mosquée : me voici en plein moyen-âge.

Vendredi 5 septembre 2008

Je fais le tour des murailles, dabord à l' extérieur dans le sens des aiguilles d' une montre, puis à l' intérieur. A la porte est il y a un grand marché, le plus vivant que j' ai vu en ce pays. Dans le livre " La longue marche" de Bernard Ollivier, l' auteur s' extasie sur celui de Samarkhande que j' avais trouvé intéressant, mais sans plus. Ici, le caractère de cette bourgade reculée à la lisière du désert donne un tout autre cachet à l' endroit. Je conseille d' ailleurs vivement de faire la visite de l' Ouzbékistan dans le sens Samarkhande-Boukhara-Khiva et non l' inverse car il y a une progression dans l' émerveillement et la découverte de lieux de plus en plus authentiques et comme s' ils étaient figés dans un autre temps ( même s' ils sont exploités par l' industrie touristique, mais c' est maintenant le cas partout également ) qui ne peut que se transformer en dégradation dans l' autre sens. Du haut de la muraille on distingue au loin la ligne jaune du désert. De retour dans le centre ancien, mais non pas antique, car la ville ne date en fait que de deux ou trois siècles au plus, je décide de prendre un café lorsque j' aperçois un cycliste au vélo lourdement chargé qui me donne l' impression d' être en cours de tour du monde et cette impression se confirme quand je l' aborde. Les drapeaux canadiens ne laissent pas d' hésitations concernant la nationalité de Benoît qui prévoit d' achever son périple en 520 jours me dit-il. Il descend chez Rachid, le BB qui était complet hier soir. Son projet sponsorisé est en liaison avec des écoles au Canada où il est enseignant spécialisé en informatique, et centré sur l' étude de l' impact de la pollution. Alors que nous discutons longuement à propos de son itinéraire et de ses aventures : il est passé par la Géorgie au plus mauvais moment, en pleine guerre avec la Russie et a été surpris par les bombardements de l' aviation russe sur la route juste devant lui, puis a traversé la Caspienne pour gagner l' Ouzbékistan où l' attendaient d' autres péripéties tout aussi mouvementées, nous sommes rejoints par un couple de jeunes slovènes et par Mohamed, le fils de Rachid, qui s' exprime bien en anglais et étudie également l' espagnol ( il cherche à faire un stage en Espagne, prochaînement) et le japonais, et s' intéresse à beaucoup de choses en plus du football ! A la tombée du jour je vais admirer le coucher de soleil sur le désert du haut du grand minaret après avoir gravi les marches en colimaçon qui permettent d' accéder au sommet, à 57 mètres du sol. Puis Mohamed nous emmène diner dans un restaurant local : salade, schachlik de boeuf et glace pour 6500 sum, un peu cher pour moi, mais on ne va pas à Khiva toutes les semaines, hein ?

Samedi 6 septembre 2008

Je prends un "marchrout" pour retourner à Urgench (800 sum) puis marche vers la gare en traversant un vaste parc bordé d' immeubles neufs. Le billet en platzkart pour Tachkent coûte 25 822 sum. Si j' avais pû payer avec la carte bancaire j' aurais volontiers pris la 1° classe, car je commence à être lassé de voyager en 3° constament bondée, on est vraiment trop les uns sur les autres, même si mes compagnons sont sympathiques et m' offrent thé, pommes, biscuits, etc...Départ à 15 heures 15, arrivée prévue le lendemain après 09 heures du matin, en fait ce sera plutôt 10 heures. Nous refranchissons l' Amou Darya sur un pont tout aussi branlant que celui utilisé par les voitures et camions, puis la voie ferrée s' enfonce lentement dans le désert. Benoît serait horrifié car des deux côtés le terrain est jonché de détritus variés, surtout des bouteilles en plastique que le vent essaime allègrement sur toute l' immense étendue inhabitée. De loin en loin la présence d' un âne immobile signale l' existence d' une gare fantômatique. Le jour cède la place au crépuscule flamboyant puis à la nuit constellée d' étoiles : c' est en ces lieux que naquit l' astronomie, outil précieux des navigateurs du désert.

Dimanche 7 septembre 2008

Malgré le retard, il est encore tôt pour un dimanche, je renonce à prendre un taxi et c' est comme d' habitude à pied et sac sur le dos que je fais mon entrée au "Plazza Grande". Le soir je me fais servir du poulet, mais ce n' est pas le même plat que la fois précédente, qui m' avait plû davantage. Je l' arrose d' une bière glacée.

Lundi 8 septembre 2008

Est-ce à cause de la bière d' hier soir que je tords le ventre de douleur ce matin ? ça m' apprendra à me vautrer dans le luxe ! Mais je ne renonce pas au petit-déjeuner copieux pour autant, à la fin de ce voyage je me lâche un peu. Visite au centre islamique d' Ouzbékistan qui renferme le plus ancien exemplaire connu du Coran, celui qui a servi à rédiger la version officielle et sur lequel le calife Omar fût assassiné alors qu' il était en train de le lire. Volumineux, écrit en très gros caractères, je me demande si c' est une version intégrale car il n' a que trois ou quatre cent pages. Le soir je mange au restaurant de l' hôtel. Ce matin le concierge m' avait réclamé 15 $ pour réserver un taxi pour l' aéroport alors que le prix mentionné sur l' info dans les chambres est de 6 000 sum. J' ai donc refusé.

Mardi 9 septembre 2008

En attendant le départ je me promène, suivi par un pauvre hère, vagabond en quête d' aumône ou bien aliéné errant, je l' ignore, dans les immenses parcs du centre et le long de la rivière qui les traverse, aux bords tout autant garnis de détritus que si je pénétrais dans la décharge municipale. D' un bassin où croupit une eau verdâtre je vois surgir une créature complètement nue : apparement, elle venait de faire sa toilette dans l' indifférence générale. Bien que mon vol ne soit que le lendemain très tôt, je m' ennuie tellement que je décide de gagner l' aéroport, espèrant y trouver au moins davantage d' animation. Le taxi me coûte 8 000 sum. Mais je constate que l' accès au hall des départs est filtré. Mais puisque je n' ai rien à faire dehors, j' y pénètre et m' installe pour une longue attente jusqu' au lendemain, 06 heures.

Mercredi 10 septembre 2008

J' avais gardé 6 000 sums pour consommer dans la zone hors taxe mais on n' y accepte que les $. Je les garderai donc en souvenir. Après le décollage et la vue sur Tachkent nous survolons une zone désertique puis une région de lagunes. Ensuite la route survole la Caspienne, l' Azerbaïdjan et la Géorgie mais ma curiosité est déçue car les paysages que j' attendais sont dissimulés sous un épais tapis de nuages blancs. Ce n' est que parvenu au-dessus de la mer Noire qu' il est possible de discerner quelques bateaux sur les flots turquoise, avant le retour de la grisaille lors de l' approche finale de l' aéroport d' Istambul, que j' avais dabord cru situé sur la partie asiatique du Bosphore, mais qui est en Europe déjà, flambant neuf et ultra-moderne.



 Si l' activité de l' aéroport de Tachkent est assez réduite (un avion par demi-heure en moyenne) ici, c' est presque Roissy. Il y a des distributeurs de billets partout, proposant des € ou des $ aussi bien que des lira turques et des bureaux d' information où je prends une carte d' Istambul. Des jeunes gens parcourent même le hall, s' inquiétant des voyageurs un peu perdu comme moi pour leur proposer des info ( et ce ne sont pas des démarcheurs comme dans presque tous les pays en voie de développement, mais bien des agents officiels avec badge !) C' est que la ville se prépare à devenir la capitale de la culture européenne pour l' année 2010. Le métro me conduit à la station de bus mais je n' y trouve pas l' antenne d' Eurolines et je continue vers le centre. Je parviens dans le quartier des hôtels, Sultan Ahmet où je suis abordé par un turc qui me conduit à son établissement, le "Paris", un guest-house dont la terrasse procure une vue exceptionnelle sur le Bosphore. J' y prends un lit pour 13 $. L' après-midi je pars en reconnaîssance d' une ville où je n' étais pas revenu depuis 33 ans, la mosquée Bleue, la place où se situait l' hippodrôme antique, aujourd' hui truffée de restaurants en plein air, le palais de Topkapi que je contourne par le bord de mer pour finir à la gare où je prends un billet pour Thessalonique, après qu' on m' ait assuré qu' il n' y aurait pas de supplément à payer dans le train (car j' avais eu cette mésaventure 33 auparavant) Puis je vais manger un poisson dans les restaurants sous le pont de Galata. Ces gargottes sont alignées, accessibles par un unique passage, et le maître d' hôtel du restaurant juste après celui où j' ai choisi de m' arrêter barre systématiquement la route aux téméraires qui voudraient essayer la concurrence un peu plus loin, les chaperonnant afin qu' ils plongent la tête dans sa vitrine, apprennent sa carte par coeur, s' aventurent à l' intérieur de la taverne, bref usant de toutes les ficelles pour les empêcher de continuer leur route et leur flânerie. Le spectacle du bateleur vaut le prix à lui tout seul, mais il y a en plus l' arrière-plan impressionant du trafic incessant et tumultueux sur le Bosphore et du pont intercontinental brillament illuminé de couleurs changeantes. Sur le chemin du retour je suis apitoyé par un paysan et son jeune fils, recroquevillés dans un renfoncement de façade, peiné de ne pouvoir les aider plus qu' avec une aumône ridicule.

Jeudi 11 septembre 2008

Je partage le dortoir avec un couple d' espagnols en route vers l' Iran et un jeune russe, ingénieur dans les fusées, à Perm dans l' Oural. Il passe ses vacances, une dizaine de jours, à Istambul et va même se baigner dans le Bosphore ! Nous avons des discussions assez animées sur la Géorgie (il fait valoir qu' en France également il y a des problèmes avec des minorités sécessionnistes...) et sur Poutine. Je contourne sur presque tout son parcours la muraille byzantine et visite l' aqueduc à Aksaray, puis les grandes mosquées du centre et l' université. Je ne peux résister à la tentation d' acheter une de ces magnifiques assiettes en faience d' Iznit comme souvenir, appréhendant la fragilité du colis car il me reste encore deux milles kilomètres avant de parvenir en France. Au coeur de la cité, l' inextinguible "Pudding-shop", ce monument de l' époque hippie, continue son service aux voyageurs de passage, avec son panneau de petites annonces toujours présent à l' appel !

Vendredi 12 septembre 2008

Départ du train pour Thessalonique à 08 heures trente. Arrivés à la frontière, changement de train et surprise : il faut payer un supplément express.



 Mais dans ce trou perdu de Pythion on n' accepte pas la carte visa, il n' y a pas de banque ni de bureau de change et on refuse les quinze livres turques qui me restent. Je ne peux payer le supplément demandé que jusqu' à Thessalonique où il faudra donc que je fasse un stop. Nous y parvenons en fin de soirée et là je peux utiliser ma carte pour payer ce fameux supplément jusqu' à Athènes, mais il a fallu que je descende du train et dois attendre le suivant, tard dans la nuit. Je profite du délai pour m' aventurer dans les rues de la ville, mais je ne reconnais plus rien. Il est vrai que mon dernier séjour date d' il y a plus de trente ans et de plus la rue devant la gare est en travaux, il y a des chantiers partout.

Samedi 13 septembre 2008

Le train est bondé, serré dans un fauteuil inconfortable je ne peux guère me reposer. A Athènes, comme à mon habitude, je pars explorer un peu au pif, essayant de retrouver les repères de mon dernier passage fin 1997. La ville n' a pas pû beaucoup changer depuis mais je présume trop de ma mémoire. Je finis par retourner dans le quartier de la gare et découvre le bureau d' Eurolines. Mais aucune ligne de bus n' accepte le paiement par carte. Je prendrais donc le train jusqu' à Patras. Je décide de m' arrêter au moins une nuit et choisis le "San Remo" hostel, tout près de la gare, tenu par un indien ou pakistanais. Surprise : j' y retrouve les deux jeunes japonaises parties en même temps que moi hier matin du "Paris" hostel à Istamboul ! En fin de soirée je monte à l' Acropole contempler le coucher de soleil du haut du rocher de l' Aréopage, après avoir traversé la cité de Socrate, Platon et Démosthène, mettant ainsi mes pas dans les traces des leurs.

Dimanche 14 septembre 2008

A la gare non plus on ne prend pas les cartes bancaires. Le trajet en train suit le même parcours que celui du bus que j' avais pris en 1997 par Eleusis, Mégare, franchissant la tranchée du canal de Corinthe et longeant la côte nord du Péloponnèse jusqu' à Patras. La végétation luxuriante fait déjà oublier les récents incendies dûs à la sécheresse et les eaux turquoises incitent les riverains à la baignade : nous sommes bien dans un pays destination privilégiée des vacanciers européens. Juste avant Patras le plus long pont suspendu du monde traverse le golfe et conduit à Delphes, mais mes ressources s' amenuisent de jour en jour et l' excursion attendra un autre voyage. D'ailleurs, il fait trop chaud. Je choisis le ferry "Superfast", flambant neuf, pour Bari, pas plus cher que celui pour Brindisi, et me faisant gagner ainsi quelques kilomètres. Je monte au château en attendant le départ et passe devant l' Odéon. Le labyrinthe des vieilles ruelles ensoleillées m' enchante : il faudra que je revienne par ici, décidément. Sur le bateau, j' ai pris un lit en dortoir : on dirait les hôtels capsules du Japon, mais il y a un matelas, des draps et surtout une douche chaude bienvenue après le sauna des rues de Patras. Enfin, mes bagages sont dans un placard fermé à clef et c'est l' esprit tranquille que je dîne dans le restaurant du bord en contemplant la mer, la mer toujours recommencée...

Lundi 15 septembre 2008



Bari, la ville ancienne, est elle aussi un merveilleux labyrinthe inextricable de ruelles piétonnières comme je les aime, et là se trouve la basilique de Saint Nicolas. Une plaque commémorative signale un présent de Poutine : est-il venu jusqu' ici en personne pour l' offrir ? Je fais la sieste sur la plage, malgré la menace de quelques nuages, avant de prendre à minuit le train pour Milan, c' est moins cher que de passer par Rome comme je l' avais d' abord envisagé. Je repasserai par ici lorsque je mettrais à éxécution mon projet, venant de Malte, de longer la côte orientale de l' Italie en remontant vers San Marino, Ravenne, l' Autriche etc...

Mais ceci sera une autre histoire !