TOUR DU MONDE II Afrique (SUITE)



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Mwanza (Tanzanie) au bord du lac Victoria

Mercredi 27 novembre 1996

Pour occuper ma journée en attendant le départ du train pour Dar-es-Salaam demain je décide, après un tour rapide sur le port où je filme quelques échassiers, de me rendre au village-musée "Sukuma" dans la campagne à l'est, en direction de Kisessa. Le contrôleur du bus me demande 1000 shillings et j'apprendrai plus tard que le tarif normal est de 400 shillings. La route est une des plus épouvantables que j'ai jamais vues. Il ne reste du goudron originel que quelques plaques, tout le reste est de la terre gondolée et les véhicules roulent tantôt à gauche tantôt à droite à la recherche des meilleurs (ou moins pires) passages. Ce gymkhana est accompagné de la musique, volume à fond : pas besoin de klaxon pour avertir les passants. A Kisessa je descend complètement sonné et prend le chemin du musée, à 1,7 km, à travers la savane sous un soleil de plomb. Heureusement, le site est arborisé et l'un des premiers bungalows peints d'un décor rouge et bleu avec des chevrons est un stand de boissons fraîches. J'engloutis un coca puis explore le village à la recherche du fameux musée et tombe sur un prêtre qui m'explique que c'est tout l'endroit qui est le musée. Comme le directeur et guide n'est pas dans son bureau il entreprend de me raconter que les bâtiments sont construits dans le style traditionnel, même si on utilise le béton au lieu de la terre battue. Il me montre l'église avec son autel en forme de chaise locale et le saint sacrement enfermé dans un reliquaire imitant ceux dans lesquels les africains plaçaient leurs idoles, le cénotaphe construit en l'honneur du missionaire canadien (David Clément) à l'origine de ce "musée", une case d'habitation, la case où se déroulent les représentations de la fameuse "danse du serpent", celle du guérisseur, celle du forgeron et enfin la case royale qui contient les trônes des souverains locaux et au dessus les grands tambours de cérémonie encore en usage, mais à l'occasion des visites du président de la république désormais. Le directeur-guide étant enfin revenu, je fais à nouveau le tour en entrant à l'intérieur des cases cette fois-ci. Puis j'achète un bracelet en poil d'éléphant et une lance traditionnelle que je vais avoir du mal à caser dans mon sac à dos, même si le guide m'assure qu'elle se démonte. Il y a aussi des tambours et des instruments de musique mais je pourrais toujours en trouver d'autres à Kampala, à la fin du voyage, sans m'encombrer tout de suite.  J'hésite à acquérir un magnifique sceptre royal avec une touffe de poils de buffle au prix de 10 000 shillings. J'apprends de mon cicérone que le gros lézard rouge et bleu est la femelle de l'espèce, les lézards plus petits, gris et nombreux sont les mâles. Un singe est attaché à un arbre et s'ennuie à faire des rondes. A la cantine je déjeune d'un poisson du lac Victoria, le tilapia, accompagné de riz. Le prêtre a visité la France durant l'été 1968. Il se souvient notamment d'un placard publicitaire de la région du beaujolais qui disait : plus vous en buvez, plus vous marchez droit ! Je lui demande s'il a été à Rome et comme il me répond que oui, s'il y a vu le pape. Il me dit que non, mais le pape est venu en Tanzanie. Pas à Mwanza, hélas, bien que c'était prévu, mais il n'a pas eu le temps. Je vois débarquer un camion d'occidentaux qui vont camper là et certainement assister à un spectacle de ces fameuses danses que l'on éxécute sur commande pour les groupes de touristes (30 000 shillings) Cependant, il faut que je retourne à Mwanza. Le médecin traditionnel qui à conversé avec moi arrête une toyota qui s'y dirige. Assis à côté du chauffeur je vois mieux la route défoncée. C'est vraiment exténuant de conduire ici. J'avais dit au médecin que j'avais été stupéfié de voir à la poste de la ville quelqu'un au volant d'une superbe BMW. En dehors de son prix astronomique, j'imaginais mal une aussi puissante voiture utilisée sur les piteuses routes des environs, ses fougueux chevaux-vapeurs réduits à une complète inactivité. On trouve aussi sur la presqu'île de fastueuses villas et un centre de formation de la banque de Tanzanie dont l'architecture pourrait laisser rêveurs les dirigeants du Crédit Lyonnais !
Il y a beaucoup d'indiens dans la cité et tout un complexe de temples et d'institutions de bienfaisance parsemé de grands arbres, des banyans, et des rochers couverts d'offrandes et de peintures si bien qu'on se croirait par moments transporté sur l'autre rive de l'océan indien. Le glacier local est d'ailleurs d'origine indienne et propose des lathis ou un délicieux chocolate & mokka sundae à 500 TS. Le soir, diner au retaurant du New Mwanza Hotel. Les vins de la carte sont sud-africains ou espagnols, mais je ne peux m'offrir une bouteille entière à moi tout seul. La pluie tombe à verse.

Jeudi 28 novembre

Il continue de pleuvoir toute la matinée. Je ne sais pas trop quoi faire en attendant le départ du train, à dix-huit heures. Je flâne sur la route qui longe la voie ferrée. Un policier en uniforme blanc immaculé engage la conversation. Il me dit que le gouvernement envisage de construire des bâtiments sur la colline à la place des masures qui s'y trouvent. Je lui demande s'il ne serait pas préférable d'améliorer l'état du réseau routier et il me dit qu'on a voté les crédits nécessaires pour commencer les travaux l'année prochaîne. Espérons-le pour les gens d'ici, car la décrépitude des routes ne reflète pas la prospérité relative de la région. Je regagne le centre sous un véritable déluge. Je cherche en vain une librairie digne de ce nom en prévision du long trajet en train : incroyable qu'il n'existe rien dans une ville de cette importance. On trouve toutes sortes de vidéo bas de gamme, mais à part quelques ouvrages techniques, le choix en livres est au degré zéro. Je me réfugie au restaurant "Kuleana" qui est une entreprise dépendant d'une oeuvre au service des enfants des rues. On y mange des pizzas, par exemple la "New York style", géante à 4000 TS. J'y achète également deux tee-shirts. Je vois arriver un danois qui parle swahili accompagné d'un jeune garçon. Ils ont des tambours comme ceux que j'ai vu au musée de Sukuma. La pluie s'étant enfin arrêtée, je reprend ma quête dans les rues et ratisse les stocks des deux bookshops sans y trouver autre chose que de rares livres en swahili ou quelques manuels scolaires en anglais. J'acquiers un phrase book à la librairie catholique.


Je me dirige vers la gare aux installations très sommaires. Je déchiffre le numéro de mon compartiment en face de mon nom sur la liste des passagers affichée sur le quai. Le couloir est si étroit que je ne parviens qu'à grand peine à glisser mon sac à dos de biais devant moi. A dix-huit heures le convoi s'ébranle et gagne...de la lenteur plutôt que de la vitesse. Aucun danger de percuter des flâneurs égarés sur la voie ! Diner au wagon restaurant. Le poulet rôti n'est pas trop mauvais.

Vendredi 29 novembre

Arrêt interminable à la gare de Tabora, jonction avec la ligne venant de Kigoma, sur le lac Tanganyika. Il y a, paraît-il, des inondations quelque part mais je n'en verrais aucune trace le long du trajet, pas en tout cas dans les wagons où il n'y a pas d'eau dans les robinets. Durant ce long voyage j'ai amplement le temps de faire connaissance avec mes compagnons de route, étudiants en sciences sociales qui descendront à Morogoro pour de là rejoindre le sud-ouest de la Tanzanie par une bonne route. Le paysage est boisé d'abord, avec des troncs d'arbre évidés et suspendus aux branches qui abritent les ruches locales : on vend du miel en bouteille le long de la voie, puis devient de plus en plus aride, de la savane broussailleuse où vagabondent de maigres troupeaux, une région de hauts plateaux sans relief. Après le petit déjeuner j'attends jusqu'au soir pour aller au wagon restaurant. Comme les enfants, un petit garçon et une petite fille, qui sont dans le compartiment ne m'ont pas vu manger de la journée, ils croient que j'ai faim et m'offrent des biscuits! Le soir vers 21 heures nous arrivons à Dodoma au centre géographique du pays. Au wagon restaurant un client assis à la table s'inquiète de voir le serveur ne pas se préoccuper de me demander si je veux ma bière fraîche, ni me prévenir que le repas viendra avec du retard car le cuisinier doit préparer une nouvelle fournée, mais ces pauvres gens ne comprennent pas l'anglais et mon swahili est inexistant.

Samedi 30 novembre

Au matin, arrivée à Morogoro. On aperçoit une belle montagne derrière la ville et le gamin l'appelle le Kilimandjaro local. Je reste seul dans mon compartiment que je n'ose plus quitter car ce serait laisser mes bagages sans surveillance. Je ne peux donc pas utiliser le bidon d'eau qui reste presqu'intact pour faire un brin de toilette car je n'ai pas de cuvette et il me faudrait verser de l'eau ce qui n'est pas possible dans le compartiment. Les fenêtres sont trop hautes et trop étroites. Il faudrait que je puisse aller aux toilettes avec le bidon mais je n'arrive pas à m'y décider. Je me sens poisseux, les ongles noirs de crasse et je ne bouge même pas pour chercher des ciseaux dans mon sac. Arrive un tanzanien qui s'assied à côté de moi et engage la conversation sur la France. C'est toujours la même curiosité de leur part. Je parle du TGV, il me donne son adresse, m'engage à aller le voir et, finalement, quand je lui demande ce qu'il fait dans la vie, il m'annonce qu'il est policier et qu'en fait il m'observait depuis le départ de Mwanza pour s'assurer que personne ne tenterait de voler mes affaires !

Nous arrivons à Dar Es Salaam vers 12 heures trente. Je n'en crois pas mes yeux, la gare est plus petite que celle d'une ville de province de 3° ordre en Europe ! Je prends un taxi pour l'hôtel Skyways mais je tombe sur le cratère d'un chantier de construction. Le Twiga hotel n'a pas réouvert depuis trois ans et plus tard je découvrirai que le Mawenzi également est fermé. Il fait une chaleur équatorienne, je ne me suis pas lavé depuis trois jours, je n'ai pratiquement pas dormi non plus depuis ce temps, alors je craque et me fait conduire au "Kilimandjaro" sur le port, à 100 $ la single, explosant mon budget ! J'ai la chambre 429 avec vue sur la rade, air conditionné, salle de bain et télévision, il y a même une chaîne française et j'apprends ainsi qu'il y a eu une grève des camionneurs et qu'il neige. Je descends tester mon altimètre qui me donne 100 m au niveau de la mer ! Mais il a sans doute été réglé pour des latitudes plus moyennes. Il faudra que je le corrige. Je me rends au port pour voir les départs des bateaux pour Zanzibar. Un des hommes qui sont là à ne rien faire apparement m'accoste en italien. Il a été marin et a vécu deux ans en Italie après que son navire ait été immobilisé pour je ne sais quelle raison là-bas. Il a finalement pu trouver un bateau qui se dirigeait vers le Liban, mais a été bombardé. Constantino aurait voulu retourner en Italie mais n'a pas pu et a été rapatrié en Tanzanie où désormais il vivote aux crochets des touristes. Je lui paye une bière puis nous faisons le tour de la ville. Je mange au motel Agip. Le service est de grande classe, la cuisine de qualité, mais je ne pense pas que comme le prétend le Lonely Planet elle soit au niveau des meilleurs restaurants de Rome. Il faut dire qu'à Dar Es Salaam il n'est pas très difficile d'impressionner le client, surtout après trois semaines de riz et patates !

Dimanche 1° décembre

Je suis obligé de rappeler pour le petit-déjeuner qui n'est pas arrivé à 8 heures comme commandé. Je me promène le long d' Ocean Drive et règle mon altimètre à 0 m au ras de l'eau, puis visite le musée avec le crâne d' Homo Abilis trouvé par Leakey. Il y a aussi une lettre d'un citoyen qui proteste contre cette exposition des scandaleuses idées occidentales selon lesquelles l'homme serait issu des animaux ! ..."vous ne trouverez pas un africain pour croire cela !" Si les fondamentalistes prenaient un jour le pouvoir en Tanzanie, détruiraient-ils ce musée et ces pièces essentielles de l'histoire humaine ? A part cela il y a aussi des ossements gigantesques d'animaux aujourd'hui disparus. Les sections historiques contiennent des pièces d'origine arabe : la ville de Kilwa, sur la côte sud, a été un sultanat dès les 9-10° siècles. On cite également un passage de l'itinéraire en mer Erythrée, ouvrage grec, puis l'on cite les visiteurs chinois (1415) en montrant de nombreuses porcelaines d'époque. Viennent ensuite les portugais qui ont laissé quelques fortifications (Mombasa au Kénya voisin, par exemple) enfin les explorateurs des sources du Nil, Burton et Speke puis Speke et Grant, ensuite Livingstone et Stanley avec sa fameuse citation : "Doctor Livingstone, I presume ?"

Les allemands colonisèrent le pays en débarquant avec leur canonières puis construisirent la voie ferrée (dont l'état ne me paraît pas avoir été notablement amélioré depuis !) Il y eu plusieurs révoltes des indigènes avant la guerre de 1914. Après celle-ci le Tanganyika revint aux anglais. Les collections sont tout de même assez sommaires et les objets indigènes assez...primitifs !

Le jardin botanique situé à côté du musée est peuplé de paons magnifiques. Je me dirige vers Oyster Bay et après avoir passé le Palm Beach Hotel revient par Ocean Drive. Le club Bilicanas n'existe plus. Un panneau lumineux indique la température : 35° C !

Après le match de tennis France-Suède je monte au restaurant "Summit" d'où l'on domine le port et je m'offre un repas gargantuesque, surtout l'addition !

Lundi 2 décembre

Je rencontre Edward, le policier du train, par hasard dans la rue. Nous allons ensemble au tourist information board où je me renseigne sur les possibilités de trouver un vol direct Arusha-Entebbe. A part celui d' Air Tanzania on me parle d'une ligne d' African Airlines. Mais le bureau de voyage de l'hôtel Kilimandjaro me précise qu'il s'agit d'une compagnie charter. En revanche il existe un vol d' Air Ouganda le mardi. Je réserverais dès que possible mais pour l'instant il me faut gagner Zanzibar à 12 heures trente par le "Flying Horse", 20 $ exceptionnellement toutes classes, ce qui me permet de m'installer dans le V.I.P. lounge, + 5 $ de taxes portuaires. Je prends un cliché de l'hôtel Kilimandjaro depuis le navire lorsque nous quittons le port.


L'hôtel Kilimandjaro (à droite).


Zanzibar



Le bateau est fortement secoué dès que nous atteignons la haute mer et jusqu'à ce que nous longions la côte ouest de l'île qui nous protège de la houle. Avant de partir j'ai donné 5000 TS à Constantino qui gémissait de s'être vu une fois refuser l'entrée du Kilimandjaro faute de chaussures appropriées. Les passagers du "Flying Horse" sont vissés devant les écrans de la télévision qui passe une comédie genre vaudeville clownesque (la femme, le mari et l'amant qui se cache sous un fauteuil !)
Arrivés à Zanzibar, il faut passer par les services de l'immigration et de la douane car l'île tient à manifester symboliquement son autonomie par rapport au reste du pays. Beaucoup de gens se proposent pour porter les bagages et offrir leurs services de guides, accompagnateurs, intermédiaires etc...L'un d'eux, Abdul, me suit bien que je fasse tout pour le décourager. Le "Stone Town Inn" étant complet je prends une chambre au "Baghani House" pour 35 $. Je tiens à choisir une maison traditionnelle à la magnifique porte de bois cloutée de cuivre plutôt qu'un bâtiment quelconque.


L'intérieur est tout aussi typique. J'offre une bière à Abdul qui commence par refuser. Je crois que c'est parce qu'étant musulman il ne boit pas d'alcool mais en fait, comme j'insiste, il m'explique qu'à Zanzibar la coutûme veut qu'on n'accepte des invitations qu'entre amis. Le "Stanley Bar" est décoré des photos et cartes des voyages de Stanley et Livingstone. Je vais faire un tour vers le rivage. De nombreux enfants se baignent dans une eau douteuse.



 Je suis abordé par Saïdi et nous parlons de la France. Puis alors que je rentre à l'hôtel à la nuit tombée je rencontre Jean-Yves et Gina, les franco-canadiens de Bwindi. Attablés au "Dolphin" nous mangeons ensemble puis nous gagnons le rivage et buvons un jus de canne à sucre avant de finir la soirée avec une bière au bar "Livingstone", le jumeau du "Stanley". Le lendemain ils partiront pour le nord de l'île où ils comptent rester deux mois ! Jean-Yves m'explique qu'avec une carte à puce de 1000 unités (16000 TS) on peut téléphoner huit minutes en France.

Mardi 3 décembre

Je me dirige vers Creek Street et Livingstone House, que je trouve plutôt délabrée. Il y a une splendide mosquée en revanche, construite sur pilotis dans un bassin. Devant Livingstone House un énorme rat mort gît sur le trottoir et un peu plus loin sèche la peau d'un serpent qui aura tenté de traverser la route.

Livingstone House

Je reprends Creek street en sens inverse et trouve le marché aux esclaves avec ses deux cellules hideuses où l'on entassait jusqu'à 70 esclaves sans eau ni nourriture. Ceux qui survivaient étaient évidemment prisés pour leur solidité ! Mais ceux qui étaient parvenus à Zanzibar avaient déjà dû affronter les rigueurs du long voyage depuis le Tanganyika durant lequel ils portaient les défenses d'éléphant, une "marchandise" servant à transporter l'autre. S'ils fléchissaient ils étaient aussitôt éliminés. Au moment de la révolution, en 1964, les descendants des marchands d'esclaves (dont le trafic avait pourtant été interdit par les anglais depuis presque cent ans !) furent égorgés par les descendants d'esclaves. Le guide cita ce proverbe arabe : "the son of a snake is also a snake" qui a servi de justification à bien d'autres massacres d'innocents. Je vais ensuite au musée mais comme je n'ai qu'un billet de 10 000 TS et qu'ils n'ont pas la monnaie, souvent un problème dans ces pays, je repars me perdre dans le labyrinthe des ruelles de la "Stone Town".



Je change un billet de 100 $ et me renseigne pour le "Spice Tour" de demain. Je mange du poisson et une glace au "Floating Restaurant" puis entre au vieux fort où sera donné un spectacle ce soir. Je visite le musée et regarde la grande tortue dans l'enclos derrière. La pauvre bête est affalée dans un coin, dans l'eau. Dans le musée il y a des lettres de Speke, Livingstone, Stanley et tout un bric-à-brac. La présentation des collections est un cauchemar de muséographe ! Les moyens sont antédiluviens sinon inexistants. J'achète un manuel de "kiswahili for foreigners".


Puis je reprends mon cheminement dans le dédale des ruelles et je prends des repères pour la photo du coucher de soleil. Après la douche je me perds un peu et arrive juste à temps pour la photo.


Le groupe qui joue le soir dans le fort n'attire personne : je suis le seul consommateur jusque vers 21 heures. Mais le "chilled gaspacho" ainsi que le poulet à la Zanzibar sont délicieux.

Mercredi 4 décembre


Ce matin départ pour le "Spice Tour". En attendant sur le banc je revois Abdul et je discute avec Mitu, le patron, un indien d'origine mais qui est né et a toujours vécu à Zanzibar. Il n'a jamais mis les pieds en Inde. Sa famille en est déjà à la 7° génération sur place. Après la maison de Livingstone que j'ai déjà vue la veille et les clous de girofle qui sèchent sur le quai, nous visitons le palais Maruhubi, du moins le peu qui en reste après un incendie, construit par le sultan Barghash en 1882 pour abriter sa femme et ses 99 concubines.


Le guide nous fait goûter des feuilles de quinine puis démontre les vertus explosives du "pop pod", une plante qui éclate lorsqu'on verse de l'eau dessus. Nous traversons d'immenses cocoteraies avant de parvenir à une ferme où l'on nous montre toutes sortes de plantes exotiques. le guide entaille l'une d'elles qui fournit de l'iode et dont le suc est utilisé comme antiseptique. Une autre fait éternuer et il nous fournit du menthol aussitôt après pour arrêter les éternuements. Une plante se referme sur elle-même dès qu'on l'effleure (sensitive). Avant de repartir nous goûtons la réglisse. Nous arrivons dans une deuxième ferme. Il y a des girofliers, un cacaotier, un caféier, le Jack-fruit, l'arbre à pain, des papayes, un avocatier, des ananas, un genre de noix dangereux si on en consomme plus que quatre, du poivre vert, des fruits de la passion, de la cardamome, un fruit puant, un fruit coloré qui sert de rouge à lèvres, des rambutans et des mangoustans : "the queen of fruits !", etc...etc...
Pour finir nous visitons les "persian Baths" au point culminant de l'île = 112 m. Deux petites chauves-souris vivent sous la voûte dans une des chambres. De retour à la ville, je prends rendez-vous pour aller le lendemain à "Prison Island". Coucher de soleil sur la terrasse de l' Africa House Hotel où je retrouve mes compagnons du Spice Tour. Nous partons tous ensemble pour un dîner au "Sambhosa", en réalité une maison privée où l'on nous sert un repas indo-zanzibarais. Parmi nous, deux colombiens qui vivent au Canada, une américaine, des sud-africains, des allemands, etc...



Jeudi 05 décembre

Je décide de rester une nuit de plus car si j'avais d'abord pensé quitter l'île aussitôt après l'excursion, je réfléchis que j'aurai bien besoin de prendre une douche et me laver les cheveux après la baignade. Je laisse mon argent dans le coffre avant de partir : les formalités et signatures diverses sont minutieuses et me mettent en retard. De plus je mets tous mes dollars sauf un billet de dix dans le coffre en oubliant qu'il me faudra payer 1 $ de droit d'entrée sur l'îlot. Les énormes tortues des Seychelles sont là, placides sous l'assaut des touristes.



L'eau est de couleur émeraude comme sur les plus belles photos publicitaires pour vacances sous les tropiques, mais elle est aussi transparente pour les rayons du soleil et j'attrape un coup de soleil carabiné.






Alors qu'il fait un temps splendide sur l'île de gros nuages anthracites semblent planer au-dessus de Zanzibar. Le jeune garçon qui pilote la barque est nonchalament assis sur les marches, son membre viril débordant de son caleçon de bain : sont-ce les deux jeunes japonaises qui lui font de l'effet ?
Au retour je prends mon billet pour le "Sea Express" du lendemain midi (30 $) Le soir je vais manger au "Fisherman" dont le proprio est français (alsacien) il a également les bars "Le Pêcheur" et "Le Bistrot". Cependant, la viande est immangeable, plus dure que de la semelle ! Sans doute est-ce une hérésie de manger de la viande dans un restaurant de poisson, mais c'est aussi un test !

Vendredi 6 décembre

Dans l'hydrofoil pour Dar-Es-Salaam je retrouve deux jeunes finlandais qui étaient descendus au Baghani House et qui rentrent après leurs vacances. L'un d'eux est vraiment un personnage, avec une tête à la Tarass Boulba, bien à sa place ici où il pourrait figurer dans un film de pirates. Il me dit être venu en Afrique parce que son amie d'enfance est missionaire à Mwanza. On ne saurait imaginer contraste plus frappant, digne de celui entre les climats de Zanzibar et de la Finlande ! A Dar-Es-Salaam je descend au "Jambo Inn" qui est proche du point de départ pour les bus vers Moshi. Mais j'aurais peut-être dû continuer vers le "Safari Inn" à peine plus éloigné car la chambre à 8000 TS est vraiment rudimentaire : pas d'ampoule sauf celle du cabinet de toilette, le ventilateur ne fonctionne pas, les robinets de la douche ne servent qu'à la décoration (il faut s'asperger avec un arrosoir en plastique). En sortant, je retrouve Costantino et nous allons boire une bière au "Zanzi..." bar. Je voulais manger au "Night of Istambul" mais il est fermé depuis deux mois. Décidément ! Je mange donc avec Costantino au retaurant du Jambo Inn. L'après-midi je réserve une place dans le bus de Moshi (8500 TS) et un billet d'avion Kilimandjaro Airport-Entebbe en business class pour 216 $

Samedi 7 décembre

Le bus part à 9 heures. Nous traversons des contrées de plus en plus arides. Les plantations de sisal se succèdent, on se croirait au Mexique. Les montagnes de la chaîne Usambara sont couvertes de maigres arbustes ressemblants à ceux du djebel algérien. Nous arrivons d'assez bonne heure à Moshi. La masse montagneuse indiscernable sous un chapeau gris, c'est bien le Kilimandjaro, reconnaissable à la présence de quelques tâches de neige sur les flancs, juste sous la ligne des nuages.



Je rejoins le "Key's Hotel" que je préfère à l' YMCA bien que ce dernier soit nettement moins cher car j'ai envie de bien dormir cette nuit, mieux qu'à Dar-Es-Salaam, et de trouver tout de suite une agence pour pouvoir attaquer l'ascension dès demain matin. Je serais seul à partir et je paie 540 $ (plus 40 $ de commission pour l'usage de la master card) pour les cinq jours (plus deux nuits d'hôtel au Key's) Il semble que les directeurs soient un couple d'européens. La piscine est étroite, beaucoup plus petite que celle de l' YMCA, mais à l' YMCA je ne trouve personne dans le hall, pas de groupe auquel me joindre pour partager les frais donc.

Dimanche 8 décembre

Départ à 9 heures en toyota et route jusqu'au poste de Marungu. La montée est raide, la nationale en travaux entre Moshi et le croisement avec celle venant de Dar-Es-Salaam. Des cadres européens participent à la réfection. Le poste d'entrée du parc est déjà à 1860 m d'altitude, mon altimètre indique moins, je le corrige une nouvelle fois. La montée, même sans mon sac à dos acheminé par les porteurs, réclame un effort jusqu'aux huttes de Mandara (2727 m) Je suis en nage et dois attendre une bonne heure avant l'arrivée de mon sac pour pouvoir utiliser mes affaires de toilette. Il y a beaucoup de monde dans ma hutte, un couple d'australiens, tout un groupe de belges dont un à qui il manque un bras et un aveugle, des autrichiens parlant italien, des allemands etc...En montant nous avons croisé ceux qui redescendaient, un qui s'était foulé la cheville, une japonaise, des américains et américaines...l'une d'elle nous confie qu'elle vit dans ce pays et enseigne les mathématiques à Mwanza. Des petits singes traversent le sentier en sautant d'une branche à l'autre. A Mandara il fait plutôt frais. Je pars visiter le "Maundi Crater" à 15 minutes de marche à travers la forêt. Comme hier après-midi la montagne est couverte de nuages et il y a du vent. En revenant du cratère j'ai vu de superbes oiseaux bleu nuit avec du rouge et une huppe. Mais impossible de les avoir à la vidéo. Après le dîner (à 18 heures !) je rentre dans la hutte et me casse la figure dans l'escalier, en glissant sur une marche trop étroite, une jambe coincée. J'ai vraiment eu peur que l'ascension en reste là ! J'ai du mal à dormir. Il fait chaud dans la hutte.

Lundi 9 décembre

Réveil à 5 heures trente avec une bassine d'eau chaude bien agréable, apportée par Wilson, le guide. Départ vers 7 heures, les premiers, afin de profiter du temps sec et de la vue dégagée sur le sommet, qui ne se produisent généralement que de bonne heure le matin. Quand nous atteignons l'altitude de 3000 m, je commence à en ressentir les effets. J'ai parfois l'impression d'étouffer et la fatigue de la marche ou de l'escalade devient plus forte.


La pente se couvre de brume, j'ai encore la jambe endolorie de ma chute d'hier soir, une légère tourista, bref je broie du noir le long d'un chemin qui me paraît interminable. A chaque détour, à chaque crête, c'est une autre crête qui se profile un peu plus loin. Enfin après cinq heures de marche je vois apparaître avec un immense soulagement les toits pentus des huttes de Horombo, noires dans le brouillard. Je suis complètement exténué, à peine libéré quand je pose mon sac, gourde et jumelles dont le poids sur la poitrine contribue à mon impression d'étouffement. Je m'effondre sur mon sac de couchage. Après le lunch, les australiens avec qui j'ai partagé la hutte à Mandara me rejoignent.




Mardi 10 décembre

Ce matin je suis en meilleure forme après une bonne nuit de repos. La température est quand même glaciale, l'eau du ruisseau est gelée et la bassine d'eau chaude me réchauffe à peine. Wilson a mal aux yeux à cause de la fumée des popotes. Nous sommes en retard, levés à 7 heures trente au lieu de 6 heures trente comme prévu, mais toujours les premiers en piste.



Après l'ultime point d'eau nous arrivons sur un plateau interminable qui sépare la montagne principale, Kibo, du pic Mawenzi, un impressionant groupe de rochers pointus couverts de neige : c'est le "désert alpin". Un majestueux rapace nous survole. Cette fois il fait beau tout le long du trajet. J'arrive exténué à Kibo Hut. L'intérieur est glacial en comparaison de l'extérieur ensoleillé. Mais comme je n'ai pas de crème protectrice je suis obligé de rester à l'ombre humide, frigorifié. Nous sommes dix par dortoir : des américains, trois allemands ou autrichiens, mes deux australiens qui nous ont rejoint assez tard. L'homme a un terrible mal de tête et ils renonceront à aller plus haut. J'ai bien envie de les imiter. Nous sommes déjà à 4750 m, la nuit s'annonce glaciale, même à l'intérieur du bâtiment non chauffé (car tout le bois, l'eau, le matériel, etc...est apporté ici à dos d'homme) et je suis transi dès que je mets le nez hors de mon duvet. Je n'arrive que péniblement à avaler quelque chose, au bord de l'écoeurement. Quand le guide du groupe des américains commence à égrener la longue liste des précautions à prendre et des symptômes de l'altitude extrême, je suis tout près d'aller voir Wilson pour lui dire qu'il est inutile de venir me chercher à onze heures comme il en a l'intention : je n'irais pas plus loin. Puis je décide qu'il est urgent d'attendre et m'allonge tout habillé, prêt à partir, comme on nous le demande, car il ne sera pas possible de se changer tard dans la nuit, il fait bien trop froid. Inutile d'ajouter que dans ces conditions on ne ferme pas l'oeil de la soirée et qu'on ressasse des pensées défaitistes !

Mercredi 11 décembre

Wilson est venu me chercher comme prévu à onze heures. Je lui indique tout de go que je ne suis pas vraiment en forme et que je trouve aventureux de partir de si bonne heure car il faudra nous éclairer avec une lampe de poche durant de très longues heures. Pour tout dire, j'ai franchement la trouille ! J'ai toujours la diarrhée, mais je ne lui ai pas dit. A peine dehors je suis agréablement surpris car il fait moins froid que ce à quoi je m'attendais. Il n'y a que quelques rafales de vent et mon capuchon se révèle incommode car il est soulevé par en-dessous et emporté plusieurs fois. Nous progressons pas à pas. La splendeur du ciel vibrant d'étoiles est indicible, une récompense à la mesure de la peine prise pour parvenir jusqu'ici. Je dis à Wilson que par nuit de pleine lune la torche ne doit pas être nécessaire et il me le confirme. Mais au fur et à mesure de l'ascension ma respiration se fait de plus en plus haletante. Après une courte halte dans une grotte à 5150 m nous ne nous arrêtons plus. Je suffoque, je titube, je vacille, je dérape sur les rochers. Mes chaussures sont très mauvaises mais il est trop tard pour en louer de bonnes, ce que j'aurai pu faire à Marangu si j'avais écouté les conseils de Wilson, mais peut-être souhaitais-je plus ou moins consciemment me donner un prétexte pour reculer au dernier moment. Vers 5400 m je n'arrive plus à reprendre mon souffle pendant quelques secondes et cherche à convaincre mon guide qu'il faut renoncer. Il me répond que nous sommes tout près de Gilman's point. je ne le crois pas mais le suit quand même. Il nous faudra encore plus d'une heure pour y arriver. Le ciel est encore sombre à l'exception de la ligne d'horizon à l'est, rouge ou plutôt rosée. Nous sommes à 5690 m.



Cette fois Wilson doit bien se résoudre à l'arrêt car mes chaussures sont dangereusement glissantes sur la neige. Il est visiblement très déçu car il a l'esprit de compétition et recherche la performance. Avec de bonnes godasses j'aurai pu arriver jusqu'au "vrai"sommet, Uhuru pic à 5895 m, soit 1088 de plus que le Mont-Blanc, mais ici nous sommes déjà à 883 m au dessus. Il faut attendre le lever du soleil car Wilson avait calculé son itinéraire pour qu'il coincide avec l'arrivée au sommet, soit une à deux heures de plus. Peu après ceux qui nous suivaient de loin parviennent à leur tour à Gilman's point et nous dépassent après une courte halte, continuant dans la neige qui m'a stoppé. D'abord les allemands, puis des japonais enfin d'autres. Je prends des photos et de la vidéo au lever du soleil. Je me fais filmer par Wilson, puis nous redescendons, ce qui s'avère bien plus aisé que la montée et bien plus rapide, même si je dois me méfier des dérapages. Le soleil tape maintenant de plein fouet. Arrivés à la hutte je retrouve les australiens qui s'apprêtent à redescendre. Je leur dis combien c'était dur afin qu'ils ne soient pas trop déçus. Après une courte halte nous reprenons la route d' Horombo vers 9 heures. Wilson, un véritable athlète à 52 ans, tend à courir sur le chemin maintenant qu'il n'a plus son lourd sac à dos. Tout le long du sentier nous croisons les porteurs puis ceux qui vont faire l'ascension à leur tour, ignorants de ce qui les attend ! Tout un groupe de français genre "club med" pique-nique autour du dernier point d'eau. Quand ils seront (litéralement) au pied du mur, ils auront moins le sourire ! Quant à moi, j'ai une revanche à prendre. Il me faudra revenir avec une bonne paire de chaussures et de la crème solaire convenable pour la très haute altitude. A Horombo je retrouve mon couple d'australiens pour partager la hutte, c'est notre quatrième nuit ensemble. J'ai toujours beaucoup de mal à manger, le nez qui coule, les lèvres gercées et il fait encore froid à cette altitude. La salle à manger sert aussi de salle de banquet à une tribu de souris qui profitent de l'aubaine.

Jeudi 12 décembre

Toilette sommaire dans le bassin d'eau chaude à côté du torrent gelé. Au petit-déjeuner, ceux qui montent interrogent ceux qui descendent après "l'avoir fait" mais en entendre parler ou regarder des films ne vaudra jamais l'expérience personnelle. C'est après seulement qu'on peut partager ses impressions avec ceux qui l'ont également vécu car alors on sait de quoi on parle.
La descente jusqu'à Mandara dans un premier temps puis jusqu'à Marangu Gate est interminable. Ma chaussure droite est fendue, la plante des pieds ressent le moindre caillou du sentier. Je suis tout raide, le genou endolori, le nez qui coule, les lèvres me brûlent. Le trajet de Marangu Gate à Gillman's point représente 62 km me dit Wilson, ce qui fait donc une randonnée de 124 km en tout. J'avance comme un robot, les plantes des pieds me donnent la sensation de marcher sur des charbons ardents.Je mesure la contrariété de Wilson au fait qu'il me rabroue parce que j'ai dit la vérité à une jeune femme qui me demandait mes impressions : que je n'avais été que jusqu'à Gillman's point. Il avait pensé me remettre mon "diplôme" devant une chute d'eau près de Marangu mais y renonce car cela représenterait un effort supplémentaire.
                                     

 Je lui ai donné 30 000 TS plus 20 $ et 10 000 TS à chacun des trois porteurs. J'ai le sentiment que c'est maigre vu le travail accompli mais c'est la limite de mes moyens. Je laisserais encore ma veste en duvet à Wilson en quittant l'hôtel. La route jusqu'à Moshi est toujours en travaux. Je lis sur un engin la raison sociale d'une entreprise italienne. Arrivé à l'hôtel je plonge sous la douche puis cours en ville (j'en ai encore la force !) pour trouver un bureau de change ouvert, mais je rentre en taxi. Le soir je me paye un quart de champagne sud-africain : let's celebrate !

Vendredi 13 décembre

Wilson devait venir à l'hôtel avant mon départ mais je ne le vois pas. Ce matin j'ai un peu de fièvre et la diarrhée n'a pas cessé. Je vais acheter une paire de safari boots (18 000 TS) pour remplacer les chaussures crevées : achetées à Mwanza elles n'auront duré que quinze jours à peine ! Puis je prends le bus pour Arusha. A l'arrivée je suis énervé par l'habituel concert de rabatteurs. Je finis par accepter de me laisser conduire à l'hôtel "Equator" dans la land rover de "Africa Shoe String Ltd." C'est que je n'ai que trois jours devant moi et leur proposition me semble intéressante : 325 $ quand même, et nous serons cinq. Pour un camping safari, c'est cher (2 nuits, 3 jours, Tarangire, Ngorongoro)
L'après-midi je vais flâner au "Centre de Conférences International", un triangle de bâtiments au nom pompeux, et je visite les boutiques de curios, de plus en plus irrité par les nuées de rabatteurs qui découragent de s'arrêter devant le moindre éventaire plus d'une demi-seconde. Je sais bien que la concurrence est rude mais je ne trouve pas intelligent ni même commerçant ce forcing, cette lourde insistance à me montrer ce que je suis bien capable de voir tout seul et qui finit par se transformer en camelote sans valeur puisqu'il faut tant de démonstrations, de paroles et de gestes pour convaincre l'acheteur potentiel. Le comportement du consommateur africain est aux antipodes du nôtre. Ce qui rend cette situation difficile, c'est que je voudrais simplement déambuler dans cette ville en toute liberté alors que je deviens une cible pour tout un monde de pauvres hères qui ne voient en moi que mon hypothétique pouvoir d'achat.

Samedi 14 décembre

A 9 heures tapantes, je suis fin prêt. A 9 heures 45 je me décide à gagner à pied le bureau d' "Africa Shoe String Ltd." où j'apprends qu'une voiture est enfin partie me chercher. Nous serons six au total, un jeune couple suédois, deux jeunes soeurs anglaises, dont l'une travaille comme enseignante en Tanzanie et l'autre est venue lui rendre visite, et...un éléphant anglais : en arrivant dans l'étroit petit bureau il nous jette en effet : "I am your first elephant !" Quand je lui dis que je viens d'escalader le Kilimandjaro, il me dit que pour lui, l'escalade, il y a longtemps qu'il n'en fait plus. Je n'ai pas de mal à le croire au vu de sa bedaine proéminente de buveur de bière, un majestueux "oeuf colonial". Il est pourtant militaire à la retraite, ancien commando de la guerre des Malouines, grand voyageur devant l'éternel. Nous usons encore une heure à courir les banques pour lui, avant de rouler dans la plaine où s'élève un petit tourbillon. A l'entrée du parc de Tarangire nous attendent les éléphants, les vrais, qui viennent s'asperger dans la mare devant laquelle nous pique-niquons. A croire qu'ils sont payés par le syndicat d'initiative local. Mais en fait, rien d'étonnant car le surnom du parc est " Elephant City", tant ils y sont nombreux.






Beaucoup de zèbres, antilopes, girafes, phacochères, quelques buffles, des autruches, deux dik-dik et presqu'à chaque carrefour des tribus d'éléphants qui nous brûlent la priorité.



Le soir, au bout d'une longue piste cahotante nous trouvons le lodge où nous allons passer la nuit. Carpenter marchande dur avec un tout jeune garçon pour acheter t-shirts et colifichets. Il s'y entend en business, le bougre ! Naturellement il n'est pas question pour lui de partager sa chambre avec quiconque, comme prévu. Devant le cuisinier, il explique que nous faisons partie de deux tribus ancestralement ennemies ! Du coup, l'aubergiste me trouve une chambre avec un grand lit. Je souligne ma chance avec un malin plaisir car l'éléphant anglais hérite de deux petits lits dont un cassé ! L'unique douche du lodge coule au goutte à goutte. L'électricité fonctionne 3 secondes toutes les dix minutes.

Dimanche 15 décembre

Il pleut ce matin. Bien que nous soyons tous prêts à 7 heures il faut deux heures pour démarrer, laver les plats utilisés la veille, puisque sans lumière ça n'était pas possible le soir même, charger le véhicule, vérifier les pneus, etc... La montée de la falaise du Rift au dessus du lac Manyara est magnifique. Il y a des singes dans la forêt. En haut, sur le plateau, une carcasse d'avion se vautre le long de la route, entourée des bergers Masaïs qui font paître leurs troupeaux. Des enfants endimanchés se dirigent vers l'église, les jeunes filles en robes blanches immaculées (difficile de les garder dans cet état avec ce terrain poussiéreux !). Enfin nous arrivons au cratère du Ngorongoro. Mais le ciel couvert ne nous permet pas d'apprécier pleinement la perspective depuis le bord supérieur. Une pluie battante nous accompagne jusqu'au campement, puis s'arrête heureusement pendant la descente assez vertigineuse vers la plaine qui tapisse le fond. Bientôt les animaux se succèdent comme pour un défilé de mode, robes fauves, brunes, grises, noires, etc...Toutes sortes d'antilopes, zèbres, gnous par milliers, phacochères, buffles, oiseaux, singes puis un guépard , "le" guépard du parc nous apprend le guide-chauffeur.


Nous nous arrêtons dans une clairière pour pique-niquer. Des petits singes s'approchent. Un faucon veut s'emparer du poulet de Carpenter et lui griffe le nez. Peu après j'ai à peine le temps d'entendre un vrombissement que je constate que la cuisse que je viens juste d'entamer est à présent entre les serres du voleur, là-haut sur une branche ! Mais mon nez est intact, au moins, pour ma consolation. Puis rebelote avec un morceau de pain que l'oiseau doit cependant relâcher et dont s'empare aussitôt le singe le plus aventureux. La voix ironique du chauffeur nous précise qu'il est interdit de donner de la nourriture aux animaux ! Après un défilé de zèbres nous reprenons la route dans la plaine. Nous croisons un hippopotame, des buffles, puis un rhinocéros assez éloigné. Et soudain le véhicule s'arrête au milieu de cris d'excitation. Coincé dans le siège arrière gauche, plié en quatre, je ne vois d'abord rien. Je me lève (le toit est surélevé) et à droite de la route, juste à son bord, je les vois : une lionne couchée et deux lionceaux.



Mais ce n'est pas tout, un peu plus loin, à gauche cette fois, dans l'herbe haute, une autre lionne est tapie à quelques mètres d'un troupeau d'antilopes ! Tout le monde retient son souffle. La lionne s'avance, se rapproche encore de sa proie mais finalement celle-ci s'aperçoit du manège et le troupeau s'éloigne en guettant, face au danger. La lionne déçue revient en fulminant puis se couche flanc contre flanc avec l'autre et les petits viennent jouer. Toute cette scène est vraiment le clou du safari. En repartant nous retrouvons notre rhino tout près de la route qu'il traverse puis nous abordons une véritable piscine à hippopotames qui s'arrosent constamment à l'aide de leurs queues. "Happy hippo" commente notre anglais. Mais ma cassette arrive en fin de bande. Je n'ai plus de pellicules, plus de cassettes, plus de batteries, dommage, il y aurait encore de quoi faire de beaux films avec les grues courronnées (emblème de l' Ouganda), un lac couvert de flamants roses, la remontée sur le bord du cratère, le lodge qui surplombe la falaise. Au camp je monte ma tente car bien sûr je ne demande même pas à l'anglais s'il accepte de partager celle qui est normalement prévue pour deux ! Le chauffeur, après s'être longtemps absenté, revient avec de mauvaises nouvelles. Le bus de Ngorongoro à Arusha ne fonctionne pas. Il faudra que j'attende le passage d'un pick-up jusqu'à Karatu puis que je prenne le bus de là, il paraît qu'il y en a plein.

Lundi 16 décembre

Je démonte ma tente humide avant le petit-déjeuner. Pas d'eau pour se laver sur ce plateau (2300 m) Les autres membres du groupe ne sont pas contents car il s'avère que la 4° journée sera prise par le retour et non par une journée de safari comme prévu. Je n'ai pas le temps de leur dire au revoir, sauf à l'anglais qui vient avec le chauffeur pour téléphoner à l'agence. On me laisse à un carrefour pour attendre le pick-up en compagnie de tanzaniens. Peu après l'anglais revient : le téléphone ne fonctionne pas. Il me laisse son adresse, mais mon stylo ne fonctionne pas plus que le téléphone. J'attends le pick-up avec une certaine impatience car il faut que j'aie quitté le parc avant l'expiration de mon permis à 10 heures 15. Il arrive enfin et je me case comme je peux avec mon sac à dos. Je passe la porte du parc à 9 heures 45. Arrivé à Karatu je laisse passer un bus bondé et apprends d'un écolier qu'après celui-là il n'y en aura plus qu'un seul vers midi. Quand il arrive c'est la ruée. Je ferais presque tout le voyage debout, en tout cas toute la partie sur les chemins défoncés, et ce n'est qu'arrivés sur la route goudronnée qu'un tanzanien âgé et joyeux se lève et insiste pour que je m'assoie ce qui me gêne quand même beaucoup. Aussitôt parvenu à Arusha je fais sécher ma tente sur le balcon et prends enfin une bonne douche chaude. Quand j'essuie mon visage la serviette est rouge de la poussière des pistes !

Mardi 17 décembre

Je fais un tour au Novotel avant de partir et achète un gilet africain (50 $) J'apprends que le bus des Tanzanian Airlines ne part qu'à 14 heures ce qui me laisse le temps de déjeuner d'un hamburger au "Mambo Café" bondé d'américains du "Bible Belt". Il y a aussi plein d'enfants (en vacances de Noel ?) Arrivé à l'aéroport je constate que l'avion pour Entebbe passe d'abord par...Dar-Es-Salaam. Mais à 17 heures 20, toujours pas d'avion en vue. Finalement, après avoir interrogé les gens derrière les comptoirs, j'apprends que l'avion ne passera qu'à 21 heures 50. Dans ce soi-disant "aéroport international", il n'y a aucun panneau d'information disponible. Il faut s'adresser aux gens qui portent des badges, mais comme même les balayeurs en ont...! Le marchand de curios essaie en vain d'attirer les clients dans son bazar. J'attends en compagnie d'un africain avec des béquilles. Bientôt s'ouvrent les comptoirs pour un vol de la KLM. Comme j'aimerais partir avec eux ! A 21 heures 50 on répond à mes interrogations qu'il y aura un retard de 40 mn. Mais bien entendu, 40 mn après, silence total. Je n'ai plus d'argent tanzanien et ne peux même pas m'offrir un coca. L'africain aux béquilles me fait donner un verre d'eau pour ma paludrine. Vers 23 heures trente nous apprenons que l'avion a décollé d' Entebbe. Nous pouvons commencer l'enregistrement à la suite des derniers clients de la KLM. Je me décide à acheter deux T-shirts pour 11 $. Passé la douane et les contrôles de police (manuels, car la machine à rayons X ne fonctionne pas, bien sûr !) Je m'aperçois que mon boarding pass est inscrit en classe Y alors que j'ai payé un billet en 1°. Je fais rectifier par l'hôtesse puis embarque après vérification de mon bagage. C'est avec un profond sentiment de satisfaction que je m'installe dans un fauteuil club au bout de cette attente interminable. Dommage que de nuit le paysage soit invisible et il y a des nuages. Après Dar-Es-Salaam, la cabine où j'étais le seul passager se remplit. L'arrivée à Entebbe est un peu houleuse, nombreux trous d'air et l'avion reprend régulièrement de la vitesse.

Mercredi 18 décembre



Arrivée à 4 heures du matin dans une aérogare déserte ; il ne me reste qu'à patienter jusqu'à l'ouverture des bureaux de change. D'ailleurs, même si j'avais de l'argent ougandais, que pourrais-je bien faire à Kampala à cette heure ? A 8 heures trente je change 200 $ puis prends la navette du Sheraton. Je descends au "Speke Hotel" puis vais vite confirmer mon vol de retour au bureau de British Airways. Puis je m'effondre sur mon lit après avoir regardé CNN et appris que les rebelles Tupac Amaros ont pris l'ambassade du Japon à Lima en otage. L'affaire se dénouera cinq mois plus tard, lorsque je serais justement à Cuzco !

Jeudi 19 décembre

Je fais un grand circuit pour aller voir les tombes de Kasubi puis la cathédrale anglicane à Namirembe, enfin la cathédrale catholique à Rubaga. Je porte mes deux rouleaux de pellicules à développer et me renseigne pour les départs des "matutus"allant à Jinja.

Vendredi 20 décembre

La route de Jinja traverse la forêt de Mabira puis franchit le Nil sur le barrage "Owen Dam" qui retient une mer de jacynthes provenant du lac Victoria. Après la station de bus, longue marche jusqu'à Nile Crescent puis vers la "source du Nil", l'endroit où se situaient les "Ripon Falls" avant la construction du barrage. Des pêcheurs étalent leurs prises, des tilapias et des poissons qui ressemblent à de petits requins. Il y a un rapace et des échassiers blancs, des cormorans sur une île pas loin du bord.












Jinja est une ville industrielle assez étendue. Je marche vers les Bujagali Falls. A 14 heures je suis au croisement de la route Kampala-Tororo. A 15 heures j'arrive à Bujagali. De là, les chutes sont à un kilomètre. Le paysage est fabuleux et toute cette eau qui s'écoule procure une sensation rafraîchissante après une longue marche au soleil. Je ne peux hélas rester bien longtemps car il faut retourner à Kampala, mais je conseille l'endroit pour un plus long séjour.





Je prends un pick-up jusqu'à Jinja puis un matutu jusqu'à Kampala. Je descends une "pint" de bière fraîche au Speke.

Samedi 21 décembre

Après avoir rendu la chambre je laisse mes bagages à la réception et prends un matutu pour aller à l'équateur où je me fais photographier, un pied dans chaque hémisphère, repassant ainsi deux fois l'endroit où le bus était tombé en panne et où nous avions dû poireauter quatre heures.












De retour à Kampala, je reprends mes bagages et saute dans un matutu pour Entebbe. Je vais à pied jusqu'au "Sophie's Motel" où je passe une dernière nuit en Afrique avant le vol du retour. Je me prélasse à la terrasse dominant le lac Victoria en sirotant une bière.

Dimanche 22 décembre

Ce matin il pleut des trombes, ça se calme vers 9 heures mais le ciel est gris, bas et lourd. Je pars visiter le jardin botanique et bien entendu deux jeunes "étudiants" s'accrochent à mes basques tout le restant de la journée. Nous allons au zoo, tout petit, avec beaucoup de chimpanzés provenant des captures illégales et les deux seuls crocodiles que j'aurai eu l'occasion de voir de tout mon séjour.








A 17 heures la navette du Sophie's motel nous conduit à l'aéroport et je commence les formalités de l'embarquement. Au retour l'avion est immobilisé environ deux heures à Naïrobi comme il l'avait été à l'aller à Gatwick, suite à une panne.

Lundi 23 décembre

Arrivé à Roissy je constate que la lance achetée à Mwanza n'est plus dans mon sac à dos. Tant pis. Rien de ce que j'avais acheté à Mwanza n'a d'ailleurs survécu au voyage : le bracelet en poil d'éléphant a "disparu" dans la salle de bain de l'hôtel Kilimandjaro à Dar-Es-Salaam et les chaussures furent déchiquetées sur la montagne, comme si un sorcier avait jeté un sort sur ces objets ! La lance avait pourtant bien résisté au test du trajet Kilimandjaro-Entebbe.


A suivre sur la page : Tour du Monde III : L' Amérique du sud.


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