mercredi 21 juillet 2010

QUEBEC

Mardi 15 juin.
Me voici revenu à Halifax et au confort de l'auberge de jeunesse, gérée par des allemands fiers d'exposer les photos des deux fondateurs de l'association internationale, allemands bien sûr, et faisant régner une discipline et une hygiène toutes teutoniques. Je visite la ville la plus ancienne du Canada brittanique issue d'une place forte destinée à contrôler sinon contrecarrer les entreprises françaises voisines de l'Acadie et de Louisbourg, sur les terres ancestrales des indiens Mic-Mac. Lorsque les Etats-Unis obtinrent leur indépendance, beaucoup de loyalistes anglais vinrent s'établir ici. Le fondateur de la ligne Cunhard est le descendant de l'un d'eux. Le centre de l'agglomération est donc l'immense terrain à la pelouse rase qui enserre la forteresse. Les quais du port très actif sont aménagés en promenade avec marchands de souvenir, d'excursion (en bus, bateau et même amphibie à la fois bus et bateau !) casino, cafés, restaurants... c'est une constante de mon voyage au Canada : les bords des océans, des lacs, du Saint-Laurent sont toujours des lieux consacrés aux activités touristiques, sillonnés de pistes cyclables et pourvus de toilettes gratuites. Un marchand de glace affiche le classement des dix meilleurs glaciers du monde, effectué par le "Reader's Digest". Naturellement, il vient en tête. Le parisien Berthillon n' arrive qu'en huitième position. Les grands navires de croisières amarrés juste derrière la gare sont le pendant atlantique de ceux que j'ai vu à Vancouver, partant pour le Pacifique nord et l'Alaska.
Ayant constaté qu'il me serait difficile de rester trop longtemps dans cette région en campant dans la nature, je me résouds à revenir au Québec : c'est bien le diable si je n'y trouve pas un endroit le long du Saint-Laurent où passer les quinze jours qui me séparent encore de l'envol vers la France à moindre frais. Je n'attendrai donc pas la venue de la reine, prévue pour la fin du mois, à l'occasion du centenaire de la marine canadienne.
Vendredi 18 juin.
En effet. Si la ligne Montréal-Halifax est directe, ainsi que Montréal-Québec, en revanche il n'y a pas de ligne Halifax-Québec. On prend le train de retour pour Montréal et on descend au petit matin à la gare de Charny, sur la rive sud en face de Québec que l'on gagne ensuite en taxi, traversant le fleuve par un pont qui sert également pour la voie de chemin de fer Québec-Montréal que je prendrais pour repartir ! C'est apparement trop compliqué pour la logistique de Via Rail de prévoir une correspondance en gare de Charny. Je ne suis pourtant pas le seul passager pour Québec, ce matin-là ! Bon, je râle surtout à cause du supplément de 13 $ demandé pour le taxi collectif qui nous conduit à la gare du centre-ville. Je profite du parcours pour répérer des endroits où le camping sauvage serait possible. Et je suis servi : Tout le site appelé "Plaines d'Abraham" également aménagé en parc public dit "Parc des champs de bataille" domine la ville et la rive du Saint-Laurent sur plusieurs kilomètres. C'est là que je passerais les six nuits suivantes en divers lieux de bivouac, car le camping est officiellement interdit et je ne dois pas attirer l'attention des innombrables jardiniers et gardiens. Mais ce sera tâche facile car tous sont mobilisés par la préparation de la fête nationale du Québec, le 24 juin, pour laquelle une scène géante est en cours de montage, et l'endroit est sillonné par une foultitude de touristes venant de tous les horizons de la planète. De plus j'avais rêvé de découvrir ce site depuis ma première scolarité. Les livres d'histoire étaient alors illustrés de scènes brillament colorées et un chapitre représentant la mort de Montcalm devant les murs de Québec m'avait vivement impressionné. Depuis lors la perte du Canada m'était restée en travers de la gorge, comme une sorte d'injustice de l'Histoire. Presque tous les cent mètres, des panneaux explicatifs narrent les moindres péripéties de ce conflit et de ses suites. Le belvédère qui domine le Saint-Laurent est le point d'arrêt obligé de tous les autobus de touristes et j'entends les longs développements historiques des guides, en toutes les langues. L'un d'entre eux rappelle, pour des touristes français, que la province française de cette époque s'étendait bien au délà des frontières actuelles du Québec. L'Amérique française descendait jusqu'à la Louisiane et c'est justement parce qu'elle étoufait les treize colonies anglaises, à l'étroit dans la bande cotière limitée par la chaîne des Appalaches à l'ouest que la rivalité avait finit par prendre les proportions d'une guerre. C'est donc autant aux Etats-Unis d'aujourd'hui qu'au Québec qu'on peut trouver des descendants des premiers colons. Et de citer un nom de voiture bien connu : Cadillac. Hélas, contrairement aux anglais, personne à l'époque ne se souciait de défendre ces "quelques arpents de neige" comme le disait Voltaire. Et lorsque Bougainville (oui, celui du tour du monde) fût envoyé à Versailles plaider la cause des canadiens et demander des renforts, le ministre lui répondit qu'on ne s'occupait pas de l'écurie quand la maison brûlait, sur quoi le futur explorateur s'exclamât : "Monsieur, me prenez-vous pour un cheval ?"

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