lundi 12 juillet 2010

Tchouk Tchouk Tchouk



















Photos publiques (site Wikimédia)



Départ ce dimanche 30 mai à 20h30. L'embarquement se fait selon le rituel des aéroports, avec enregistrement et procession réglée vers les wagons où nous sommes accueillis par des stewards et des hôtesses bien plus que par des contrôleurs. Toutes les communications se font en deux temps : anglais et français. Depuis que je suis arrivé au Canada, j'apprécie de pouvoir à nouveau parler ma langue, bien que je n'éprouve aucune difficulté avec la langue de Shakespeare.En même temps,un peu de l'exotisme du voyage s'efface, sauf en ce qui concerne le sympathique accent local ! Et le vocabulaire d'ici nécessite parfois un petit apprentissage, comme lorsqu'un garçon de café me demande de prendre un "cabaret" : je ne saisis pas tout de suite qu'il s'agit d'un plateau ! La voie ferrée longe la rivière Fraser et s'enfonce à l'intérieur de la Colombie Britanique, vers les sommets des Rocheuses que nous n'atteindrons que le lendemain dans la journée. Le train s'ébranle et prend sa vitesse de croisière, celle d'un tortillard et sa progression est entrecoupée de nombreux arrêts. Il n'y a généralement aucune barrière aux passages à niveau et la locomotive s' annonce en émettant de longs et stridents sifflements avant de franchir la route presqu'au pas. Et puis il y a ce pour quoi le chemin de fer a réellement été construit : nous croisons d'immenses convois de 120 à 150 wagons de marchandises qui ont la priorité sur nous. Ce croisement ne peut se faire partout car sur de longs trajets la voie est unique et il faut en conséquence stationner là ou elle a été dédoublée à cet effet pour permettre de laisser passer les trains en sens inverse, dont je ne verrais pas un seul de passagers comme le nôtre, rien que des marchandises, le plus souvent containers, minerais et charbon, en direction du port de Vancouver.
Au petit matin suivant, encore mal réveillé après une nuit recroquevillé dans le fauteuil, je distingue des silhouettes qui se dirigent vers le salon panoramique dans l'intention d'assister au lever du soleil. Je les rejoins, mais nous longeons toujours la Fraser au centre d'une vallée entre deux rangées de collines caillouteuses à l'herbe rase. De temps en temps on aperçoit le nid d'un aigle des rocheuses au sommet d'un vieux poteau télégraphique ou d'un arbre et bientôt l'aigle lui-même. A part ça, pas grand-chose de remarquable jusqu'en fin de matinée. Après que la Fraser ait dessiné une succession de lacs assez étendus, nous arrivons enfin au centre des Rocheuses canadiennes. Pour qui a vécu, comme moi, plus de vingt ans dans les Alpes, les Rocheuses ne sont guères impressionantes. Mais leur intérêt n'est pas dans leur puissance : ce qui les rend uniques, c'est l'absence quasi-totale d' artéfacts humain. Sur des centaines de kilomètres, on distingue à peine une dizaine de cabanes en bois pourrissant. On ne perçoit que des sommets enneigés et d'immenses forêts qu'on jugerait primordiales. C'est cette sensation de virginité, à l'écart de la moindre trace de présence humaine, habilement entretenue par l'administration des parcs naturels canadiens qui furent parmi les premiers créés au monde, qui donne toute sa valeur à ce parcours soigneusement aménagé par Via Rail pour ses clients.

Nous atteignons le mont Robson, point culminant (3954m) de la région, mais pas des Rocheuses, contrairement à ce qu'affirme l'hôtesse dans son micro. En revanche, ce qui paraît exact, c'est que son sommet est enveloppé de nuages d'une façon permanente et qu'il ne serait visible qu'environ 14 jours par an. Nous arrivons finalement à Jasper pour une halte de deux heures dont je profite pour me ravitailler au supermarché. Nous ne sommes plus dans la Colombie britanique, mais dans l'Alberta. Ici la moindre relique datant du temps des pionniers fait l'objet d'un culte. Tout les cent mètres, un panneau signale un endroit marquant de la conquête de l'ouest et détaille l'histoire des péripéties de cette lente progression. Une nation neuve comme le Canada fait preuve de beaucoup d'intérêt pour sa courte histoire et je trouverai de semblables panneaux informatifs jusqu'à Halifax. Jasper marque la fin des Rocheuses. Je verrai encore la forme sombre d'un ours brun traverser la voie juste devant notre locomotive durant notre traversée des dernières collines, mais lorsque nous atteignons Edmonton, le soir venu, nous sommes désormais dans les plaines de l'Alberta.

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